Un jeune seigneur, étant un jour à la chasse, dans un grand bois, non loin de son château, rencontra une truie sauvage. Il la coucha en joue, et il allait faire feu, lorsqu’il fut bien étonné de l’entendre parler ainsi :
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ToggleLa truie sauvage
— Ne tire pas sur moi, car tu dois m’épouser !
— Dieu, que dites-vous ? Moi épouser une truie sauvage ! s’écria le seigneur.
— Oui ; retourne à la maison, quand tu voudras, et rappelle-toi ce que je t’ai dit ; je serai ta femme !
Et il retourna à la maison, tout triste et pensif.
— Que t’est-il arrivé, pour être si triste, mon fils ? lui demanda sa mère.
— Hélas ! ma mère, j’ai été à la chasse et j’ai rencontré une truie sauvage, et comme je la couchais en joue, elle a pris la parole, comme un homme, et m’a dit qu’il me faudrait l’épouser.
— Hélas ! mon pauvre enfant, si elle l’a dit, il faut que cela soit. Cette truie habite un vieux château, à l’autre extrémité du bois.
A partir de ce jour, la truie venait tous les jours visiter le jeune gentilhomme, et celui-ci en avait tant de chagrin, qu’il était près d’en perdre la raison. Enfin, un jour, obsédé de ses visites et de ses instances, il dit :
— Eh bien ! puisqu’il faut que cela soit, finissons-en, et allons à l’église !
Et ils se rendirent à l’église. Le curé, fort surpris, faisait des difficultés pour unir un chrétien à une truie sauvage.
— Mariez-nous hardiment, dit la truie, car si vous me voyez sous cette forme, c’est ma mère qui en est la cause.
Et le curé les unit.
La truie emmena alors son mari à son château, qui était fort beau. Son père était mort, mais, sa mère vivait encore et habitait le château avec elle.
Le jeune gentilhomme s’habitua à sa femme, et finit par l’aimer telle qu’elle était.
La truie devint enceinte.
Trois mois après leur mariage, le gentilhomme, en se promenant un jour dans le jardin du château, vit trois belles fleurs, qu’il n’avait pas encore remarquées. Et à mesure que les fleurs croissaient et s’élevaient, les feuilles se flétrissaient et tombaient à terre. Cela lui parut de mauvais augure.
— Est-ce que ma femme serait menacée de mourir ? pensa-t-il avec douleur.
Au bout de neuf mois, sa femme mit au monde trois fils, d’une seule couche, trois enfants superbes ! On les baptisa, puis on leur chercha des nourrices. Ils avaient tous les trois des cheveux d’or, et quand on les peignait, il tombait des pièces d’or de leurs têtes.
La truie avait défendu à leur père de les toucher ; il ne les voyait même que par le trou de la serrure, pendant que leurs nourrices les peignaient.
Six mois après, le père, en se promenant dans le jardin du château, vit encore trois fleurs magnifiques, et à mesure qu’elles croissaient et s’élevaient sur leurs tiges, les feuilles se flétrissaient et tombaient à terre. Et il en conçut encore de l’inquiétude à l’égard de sa femme. Mais, au bout de neuf mois, la truie donna le jour à trois autres fils, plus beaux encore que les trois premiers. On les baptisa aussi ; on leur donna des nourrices, et l’on en prit tous les soins imaginables. Ils avaient aussi des cheveux d’or, et quand leur mère les peignait, il tombait aussi des pièces d’or de leurs têtes.
Six mois après, en se promenant dans le jardin du château, le père remarqua encore trois belles fleurs, et à mesure qu’elles croissaient et que leurs tiges s’élevaient, leurs feuilles se flétrissaient et tombaient à terre. Et il en conçut encore de l’inquiétude au sujet de sa femme.
Mais, au bout de neuf mois, la truie donnait encore le jour à trois enfants, — trois petites filles, cette fois, — belles comme le jour.
Voilà neuf enfants, en moins de trois ans !
La truie dit alors à son mari :
— Je suis à présent délivrée, grâce à toi ! Ma mère trouvait les enfants de toutes les autres femmes laids et contrefaits, et Dieu, pour la punir, lui donna une truie pour fille.
Et aussitôt elle changea de forme et devint une belle princesse.