Le cerf-volant révélateur

Les contes de Pensé contiennent les contes suivants : Le cerf-volant révélateur, Conte d’amour, La jarre d’or, La princesse des eaux, Le bien d’autrui, Le chapeau qui rend invisible, Le conte de l’homme riche, Le roi et le barbier, L’homme et le diable, La chemise ornée de diamants, Aslanzate et Zanpolate, La fille du coffre, Frère agnelet, Crainte, Le lare domestique, Rira bien qui rira le dernier, Talou Orlan, Topal, Le chasseur Ahmad, Le derviche et les filles, La fille du roi de Chine, Grain-de-grenade, Nerso

Le cerf-volant révélateur

Il y avait une jeune fille assise devant sa fenêtre. Un moineau vient se poser devant elle et dit :

– Djilivili ; un malheur va t’arriver. Tu le veux grand ou petit ?

La fille rentre et dit :

  • Maman, un moineau s’est posé devant moi et m’a dit :  » un malheur va t’arriver. Tu le veux grand ou petit ? « 
  • Mon enfant, dit la mère, retourne à ta place, si le moineau revient, dis-lui :  » Puisque le malheur va s’abattre sur moi, qu’il soit petit, car un grand, je ne le supporterais pas. « 

La fille retourne s’asseoir devant la fenêtre. Le moineau revient se poser devant elle et dit :

– Djilivili, un malheur va t’arriver. Tu le veux grand ou petit ?

La fille répond :

– Puisque le malheur va s’abattre sur moi, qu’il soit petit, car un grand, je ne le supporterais pas.

Au même instant, la fille perd la tête, elle sort, elle traverse les prés, les collines, elle va par monts et par vaux, suivie par sa mère. Elles marchent, elles marchent, elles arrivent devant un château. Elles s’arrêtent devant le portail, la porte s’ouvre, la fille entre, la porte se referme, la mère reste dehors.

  • Que Dieu soit loué, se disent la mère et la fille, est-ce là le malheur prédit par le moineau ?

La fille entre, elle voit un jeune homme chétif, mortellement blessé, réduit en miettes, le corps criblé de trous. Le cœur brisé, elle s’approche, elle soulève la tête du jeune homme, elle la pose sur ses genoux. Elle ne dort plus, elle veille le malheureux pendant sept ans. Il ne manquait plus que deux ou trois heures pour que les sept années soient écoulées. Et voilà qu’une bohémienne entre. La jeune fille l’engage comme domestique.

  • Ecoute, dit-elle, pose la tête de ce malade sur tes genoux, je sors et je reviens.

La bohémienne pose la tête du malade sur ses genoux, la jeune fille sort. Les sept années s’achèvent ; le maléfice prend fin.

Sain et sauf, le jeune homme s’assoit. Il dépose un baiser sur le front de la bohémienne et dit :

  • Madame, puisque pendant ces sept années vous m’avez veillé et protégé, je suis à vous et vous êtes à moi.

Le jeune homme et la bohémienne se marient.

La jeune fille revient, et que voit-elle ? le jeune homme est sain et sauf, il a épousé la bohémienne. Ils engagent la jeune fille comme domestique.

Un jour que le jeune homme devait aller au marché, la fille lui dit :

  • Maître, tu vas au marché ; j’ai une faveur à te demander. Rapporte-moi, je te prie, un cerf-volant sauveur, pour m’amuser.

Le jeune homme cherche parmi tous les articles exposés, il ne voit pas de cerf-volant sauveur.

Un commerçant lui dit :

  • Moi, j’ai un cerf-volant sauveur. Voilà, je te le donne. La personne à qui tu vas le remettre a sans doute une grande peine. Tâche de prêter l’oreille en secret, tu sauras quelle est sa peine.

Le jeune homme remet le cerf-volant à la fille, il se cache dans un endroit sombre et prête l’oreille.

– Cerf-volant sauveur, écoute-moi, je veux te raconter ma peine, est-ce toi qui vas te déchirer ou moi ?J’étais la fille chérie de mes parents. Je m’étais assise devant la fenêtre. Un moineau s’est posé devant moi et m’a dit :  » un malheur va t’arriver, tu le veux grand ou petit ?  » J’ai raconté cela à ma mère, elle m’a dit, si le moineau revient, de lui répondre :  » je le veux petit, car grand, je ne le supporterais pas « .Cerf-volant sauveur, est-ce toi qui vas te déchirer ou moi ?

A peine ai-je donné cette réponse au moineau que j’ai perdu la tête, je suis sortie, j’ai traversé les prés, les collines, j’ai été par monts et par vaux, suivie par ma mère.Nous sommes arrivées devant un château, la porte s’est ouverte, je suis entrée, la porte s’est refermée, ma mère est restée dehors, je ne sais pas ce qu’elle est devenue.

Cerf-volant sauveur, je suis entrée, j’ai vu un jeune homme chétif, mortellement blessé, réduit en miettes, le corps criblé de trous, étalé par terre.Le cœur brisé, je me suis assise près de lui, j’ai posé sa tête sur mes genoux, pendant sept ans je l’ai veillé et protégé, ne dormant la nuit que d’un œil.Cerf-volant sauveur, est-ce moi qui vais me déchirer ou toi ?Un jour, une bohémienne est entrée, je l’ai engagée comme domestique, je lui ai dit : » Ecoute, pose la tête de ce malade sur tes genoux, je sors et je reviens « .

A mon retour, j’ai vu que le jeune homme était guéri, il était assis.La bohémienne lui avait fait croire qu’elle l’avait veillé et protégé pendant sept ans.Le jeune homme l’avait crue, il l’avait épousée, et moi je suis devenue leur domestique.Et maintenant, est-ce moi qui vais me déchirer ou toi ?

Le cerf-volant, qui s’était déjà gonflé, se déchire. Il est réduit en miettes.

Le jeune homme sort de sa cachette, il court déposer un baiser sur le front de la jeune fille et dit :  »  Tu es à moi et je suis à toi ! « 

Ils deviennent mari et femme et mettent la bohémienne dehors.

Ceux-là ont réalisé leurs vœux, que les vôtres aussi se réalisent !