Sharfadin

Le Yézidisme ou Sharfadin, ou religion des sept anges, est une religion monothéiste de la communauté ethno-religieuse yézidie qui est présentée par ses pratiquants (les yézidis ou yazidis ou yésides) comme plongeant ses racines dans l’Iran antique.

Origines du Sharfadin

Entre le IXe et le VIIIe siècle av. J.-C., des tribus iraniennes (les Mèdes) s’installent sur les terres du Kurdistan actuel. Le zoroastrisme a été pendant des centaines d’années la religion dominante et a exercé une influence importante sur les Kurdes et sur leur croyances. Cependant une partie des Kurdes ne s’étaient pas convertis au zoroastrisme. Ils étaient restés fidèles à leur ancienne religion : le yazdanisme.

Selon le kurdologue Serbi Rechid, le zoroastrisme s’est répandu en Médie à partir du VIe siècle av. J.-C., mais n’est pas devenu dominant. Jusqu’au Ve siècle apr. J.-C., la majorité des Kurdes habitant Zagros, Cizir, Botan et Kirkouk pratiquaient le yazdanisme.

Cette religion médique survit aujourd’hui à travers trois religions kurdes : le yézidisme, l’alévisme et le yârsânisme. D’ailleurs le mot « yazdanisme » est un terme académique du kurdologue Merhad Izady. Selon ce dernier, cette religion médique pouvait s’appeler « yazdanisme » mais également « yézidisme ». Merhad Izady a fabriqué le terme « yazdanisme » afin de différencier cette religion du yézidisme actuel.

Car le yézidisme du XXIe siècle a subi des modifications depuis sa fondation. Notamment lors de la réforme de Cheikh Adi qui a eu lieu au XIIe siècle. Le yézidisme est une survivance de l’ancienne religion médique, qui au cours de son existence a absorbé des éléments exogènes, afin de s’adapter à un environnement hostile.

De nombreuses similitudes existent entre le yézidisme et le zoroastrisme. Mais, contrairement aux indications de nombreuses études publiées, le yézidisme n’est pas dérivé du zoroastrisme. Ces deux religions ont en effet des racines communes. Le yézidisme est une survivance de l’ancienne religion médique, religion dans laquelle le Dieu était tout-puissant et avait un serviteur, Mithra, qui est, entre autres, une divinité solaire. Aujourd’hui on retrouve la même interdépendance entre Xwede et l’archange Taous.

Le zoroastrisme, quant à lui, est une réforme du mithraïsme / mazdéisme, autre appellation de cette ancienne religion médo-iranienne.

Les spécialistes des religions soulignent le syncrétisme religieux dont est issu le yézidisme. La cosmogonie yézidie présente de troublantes similitudes avec les religions de l’ancien Iran, les religions prézoroastriennes puis zoroastriennes du VIIe siècle au IVe siècle av. J.-C. Ces analogies sont principalement dues à la présence de nombreux Kurdes de la vieille foi dans la vallée de Lalish et à l’isolement de cette dernière.

Au XIIe siècle, Cheikh Adi, maître soufi, s’installe à Lalish et y enseigne ses préceptes auprès de la population yézidie. Adi adapte ses caractéristiques musulmanes au yézidisme. Cependant, si pour certains la croyance yézidie comprend des éléments qui permettent de la percevoir comme un syncrétisme religieux, cette thèse reste débattue.

La tradition orale de cette croyance est un des principaux facteurs qui jouèrent en sa défaveur aux yeux des musulmans. Ceux-ci, ne reconnaissant comme leurs égaux que les gens du Livre, voyaient d’un mauvais œil ces communautés rebelles et païennes. Or les yézidis ne sont pas des disciples d’une tradition religieuse uniquement orale : deux livres sacrés serviraient de bases à leurs lois et rites.

Description de la croyance yézidie

Malek Tawûs est un archange dans la religion yézidie. Malek Tawûs est souvent représenté par un paon selon son nom et parce que le paon symbolise la diversité, la beauté et le pouvoir. Pour les yézidis, leur dieu unique est le créateur du monde mais n’en est pas le conservateur. Cette tâche a été déléguée à un cortège de sept anges dirigé par le plus important d’entre eux : Malek Tâwus. Selon la foi yézidie, Malek Tawûs est une émanation et un serviteur du Tout-Puissant. Le premier jour (un dimanche) Dieu a créé l’ange Azrail, qui est une autre appellation de Malek Tawûs. Le deuxième jour (un lundi) Dieu a créé Dardail.

Le troisième jour (un mardi) Dieu a créé Israil. Le quatrième jour (un mercredi) Dieu a créé Machael. Le cinquième jour (un jeudi) Dieu a créé Anzazil. Le sixième jour (un vendredi) Dieu a créé Chemnail. Enfin le septième jour (un samedi) Dieu a créé Nourail. Dieu a ensuite proclamé « Malek Taous » chef de tous les autres anges. « Malek Tawûs » signifie littéralement « ange paon » en kurde. En un sens on peut faire un parallèle avec le dieu Soleil iranien Mithra, qui lui-même n’était pas le Dieu suprême, mais un serviteur de Dieu.

Dans l’Iran ancien le nom métaphorique du Soleil était « Tavous-é Falak », ce qui veut dire le « Paon Céleste ». Dans la Grèce antique, le paon était le symbole du Soleil. Dans la mythologie hindoue les plumes du paon étaient considérées comme une représentation du ciel et des étoiles. Dans le yézidisme, le Soleil est considéré comme une source de bonté, de lumière, de chaleur mais surtout de vie. Cependant les Yézidis ne sont pas « des adorateurs du Soleil » : Dieu a créé le Soleil et les Yézidis se prosternent devant cette création divine.

Traditions et interdits du yézidisme

Les Yézidis possèdent deux livres sacrés : le Kitêba Cilwe, le Livre des Révélations, et le Mishefa Reş, le Livre noir. Le Kitêba Cilwe décrit Malek Taous et sa relation spéciale avec les yézidis, alors que le Mishefa Reş décrit la création de l’univers, des sept grands Anges, des Yézidis et les lois que ces derniers doivent suivre.

On peut observer un important nombre de rites que les Yézidis et les zoroastriens ont en commun. Les Yézidis prient 5 fois par jour, comme les zoroastriens, et comme les musulmans. On remarque également que la prière yézidie du matin (pendant laquelle les Yézidis prient en direction du Soleil) ressemble à la prière zoroastrienne. Comme les zoroastriens, les Yézidis sont organisés en castes et ont des tabous liés aux 4 éléments (terre, feu, air et eau). Les Yézidis pratiquent également le sacrifice du taureau (culte de Mithra), ce qui jadis était pratiqué par les mazdéens. Les Yézidis et les zoroastriens partagent le même jour férié : le mercredi.

Les animaux détiennent une place spéciale dans les vieilles religions, particulièrement dans le mithraïsme. Certains animaux sont peints sur les icônes mithriaques, et les mêmes animaux sont représentés sur le temple Lalesh. Leurs interprétations sont aussi identiques à celles de la religion mithriaque. Mithra, une divinité iranienne, a sacrifié selon la légende un taureau. Les Yézidis en font de même en automne. Ils sacrifient chaque année un taureau pour l’humanité entière et pour un monde plus harmonieux.

Dans les temps anciens le taureau symbolisait l’automne et son abattage devait être suivi d’une année verte, pluvieuse et fructueuse. Dans le mithraïsme le serpent symbolisait le cosmos. Les Yézidis respectent particulièrement le serpent — surtout le serpent noir. Selon la foi yézidie, le serpent est un symbole de la sagesse. À l’entrée du temple Lalesh, un serpent noir est représenté.