Les étangs de Nohèdes inspirent une profonde terreur aux gens du pays : de là les nombreuses histoires qu’avec quoique naïveté rapportent les chroniqueurs catalans.
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C’est ainsi que Félieu de la Peña, l’auteur des « Anales del Principal de Cataluña », affirme que, si l’on jette une pierre dans l’Etang noir, l’eau devient trouble, bouillonne et produit des vapeurs qui se transforment en nuages précurseurs de la tempête. Dans la « Cronica de Catalufia » (1609) Pujades raconte que Pedro de Mésa, seigneur de Nohèdes et de Monteilla vendit sa fille aux diables qui l’emportèrent dans le palais infernal de l’Etang noir.
Sept ans après, la jeune fille réussit à s’échapper et rejoignit son père. Elle put ainsi raconter ce qu’elle avait vu, décrire le palais des diables, leurs réunions secrètes et dévoiler leurs projets et leurs maléfices.
D’autres auteurs assurent que l’Étang contient de grosses truites douées de propriétés curieuses : mises à frire sur la poêle, elles sautent et s’échappent par la cheminée : on affirme que ce sont des démons. Une des plus curieuses légendes que l’on raconte sur l’Étang noir est encore la suivante :
Le seigneur de Paracols, dont la manoir s’élevait à quelques lieues de Nohèdes, étant parti avec ses troupes pour faire une lointaine expédition, avait confié à sa nièce la garde du vieux château. Il avait pris soin de cacher ses trésors en un endroit secret et presque inaccessible, que la jeune fille avait promis de ne jamais dévoiler. Laissée seule, au milieu de ces remparts où avaient résonné les cris de guerre et les cliquetis des armes, la blonde enfant s’agenouilla sur un prie-dieu en velours et implora la protection de la Vierge.
Le lendemain, des guerriers inconnus envahissaient le château et un chevalier menaçant se présentait devant elle.
Tout d’abord effrayée par cette visite inattendue, la jeune fille se mit en prières, cachant son visage dans ses mains. Mais bientôt reprenant courage, elle interrogea le chevalier et lui demanda ce qu’il venait faire. Sa voix douce et harmonieuse impressionna le farouche chevalier qui restait interdit.
— « Que me veux-tu ? Parle donc. »
— « En vain je m’interroge et cherche à expliquer mon trouble. Je n’avais jamais tremblé, même en présence des plus redoutables adversaires, et sous le charme de ta voix, je sens ma volonté paralysée. Il serait barbare d’exécuter contre toi que j’admire l’ordre de mon maître et je préfère t’avouer ma mission. Le comte de Cerdagne sait que le seigneur de Paracols garde d’immenses trésors. II m’a prié de venir ici en son absence, avec des gens armés, pour te tuer et s’emparer des richesses qui te sont confiées.
— « Pourquoi donc commettre un crime inutile, repartit la jeune fille apparemment calme. Je vais l’épargner une peine, car voici la clef de la cachette. Moi-même je veux suivre tes pas ; mais je t’avertis qu’il faudra surmonter de terribles dangers avant d’arriver aux lieux qui contient nos richesses.
— « Partons dit le guerrier ».
Et ils s’en furent, suivis des troupes, vers Nohédes, jusqu’aux bords de l’Étang noir.
— « Nous voici au terme de notre voyage, dit la jeune fille. Dans ce rocher qui émerge du milieu des flôts sombres se trouve le trésor. La clef que je t’ai remise ouvre une lourde porte en fer dissimulée par un piédestal qui supporte une statue de la Vierge. »
Les soldats construisirent un radeau et prirent leurs dispositions pour arriver sur le rocher, tandis que la jeune fille s’agenouillant adressait d’ardentes prières à la Vierge protectrice du trésor. Le chevalier s’embarqua résolument, mais sans être complètement rassuré : il ne pouvait s’empêcher de tressaillir devant cet étang lugubre comme le Styx, creusé au milieu de montagnes abruptes et de pins géants. Pourrait-on s’aventurer sans crainte dans ce gouffre ? Des sirènes ou des monstres marins ne surgiraient-ils pas devant lui ?
Soudain un bruissement d’ailes attira son attention : Un oiseau noir traversait les airs. Et prenant une grosse pierre, un des soldats tira sur l’oiseau de mauvais augure. Mais la chute du projectile dans l’eau provoqua un écho lointain qui se répercuta de montagne en montagne, grossissant de plus en plus, pareil au tonnerre. En même temps, de noirs nuages s’amoncelaient sur l’Étang noir, comme engendrés subitement par les montagnes.
Sur la rive, la jeune fille, qui priait toujours, remercia la Vierge d’exaucer ses vœux en provoquant la tempête. Néanmoins les vassaux du comte de Cerdagne ne se découragèrent pas. En vain grondaient sur leurs têtes des voix formidables et menaçantes, comme un chœur de géants furieux : ils ramèrent de plus belle vers le rocher convoité. Ils purent enfin atterrir et s’emparer des trésors ; mais leur cupidité devenait dangereuse, car un poids trop lourd pouvait submerger l’embarcation : Ils seront obligés d’abandonner la moitié du butin.
Le chevalier, heureux d’avoir atteint son but, brillait de revenir auprès du comte de Cerdagne, pour déposer à ses pieds les trésors du seigneur de Paracols. Mais il comptait sans l’orage qui éclata soudain. Les éclairs sillonnèrent l’atmosphère, un craquement formidable déchira les airs, se répercutant de rocher en rocher. Les eaux du lac se soulevèrent et engloutirent le radeau.
C’est ainsi que furent punis les sujets du comte de Cerdagne pour avoir provoqué le courroux des fées de l’Étang noir.