Légendes du mont Ararat

Point culminant de la Turquie, symbole national fort de l’Arménie, le mont Ararat s’enveloppe de légendes et d’histoires fabuleuses. Le récit le plus connu fait de ce volcan couvert de neiges éternelles le site où l’arche de Noé trouve refuge pendant le déluge biblique et attend la retraite des eaux. Des mythes qui exacerbent la beauté naturelle des lieux.

Le mont Ararat, un puissant volcan endormi

mont Ararat

Se dressant sur le haut-plateau arménien, le mont Ararat domine une chaîne montagneuse dans l’est de la Turquie. Une activité volcanique intense lui a donné naissance il y a environ 1,5 million d’années. Éruption après éruption, ce cratère ou plutôt ces cratères se sont élevés patiemment pour devenir les plus hauts sommets de la région. En examinant davantage le profil du mont Ararat, deux cimes se dessinent, reliées entre elles par une large bande de lave.

Le « Grand Ararat » approche les 5 160 mètres alors que le « Petit Ararat », sixième plus haut pic du pays et cône presque parfait, s’élève entre 3 896 mètres et 3 925 mètres (selon les sources). Géant couvert de glace et de neige, le toit de la Turquie est considéré comme un volcan endormi surmonté par une épaisse calotte glaciaire. 

Au-delà de sa nature géologique, le mont Ararat apparaît comme un site enveloppé d’une aura sacrée. Les civilisations qui ont successivement occupé ses flancs et se sont établies à ses pieds lui ont accordé une position centrale dans leur mythologie. Pour les Sumériens comme pour les anciens Arméniens, il était le lieu où le soleil venait se reposer la nuit. Étrangement, l’astre semblait s’y coucher chaque soir et en émerger chaque matin. 

Pour Noé, le Mont Ararat est le refuge ultime

Pour les chrétiens, il est la montagne mentionnée par la Bible après le déluge. La Genèse, premier livre de ce recueil de textes sacrés, raconte que Dieu souhaitant purifier la Terre d’une humanité devenue corrompue donna l’ordre à Noé, le dernier homme vertueux, de construire un vaisseau.

Celui-ci devait abriter la famille de Noé, mais aussi un couple de chacune des espèces animales qui occupaient alors la Terre. Pendant 40 jours et 40 nuits, des trombes d’eau s’abattirent sur la Terre, détruisant toute vie. Durant les 150 jours suivants, le vaisseau erre, porté par les flots, jusqu’à ce qu’il « s’échoue » au sommet d’une montagne, attendant une preuve de la disparition des eaux. 

La Bible nomme le lieu de cet échouage les montagnes d’Ararat. Pour les premiers chrétiens et dans l’islam, le mont Ararat se trouvait plus au sud, incarné par le mont Djoudi. La croyance a cependant évolué pour faire du massif montagneux arménien, plus majestueux et plus haut, le site où se serait posée l’arche de Noé.

Comme un bateau sur le Mont Ararat

À l’instar d’autres mythes fondateurs, les hommes ont cherché à donner plus de corps à ce récit en retrouvant des preuves de sa véracité. Dès le Ve siècle, des commentateurs affirment que l’arche est toujours visible au sommet de la montagne.

Les recherches et expéditions pour la dénicher se sont multipliées par le passé. L’anomalie d’Ararat ou le site de Durupinar, en forme de bateau, apparaissent comme autant de vestiges possibles du vaisseau fabuleux de Noé.

Les civilisations sumérienne, mésopotamienne et babylonienne antérieures au récit de la Bible possèdent elles aussi des mythes relatant un déluge. Et chacune d’elle voyait dans le mont Ararat le site qui a permis de sauver un des personnages clés de leur mythologie. Depuis l’aube de la civilisation moderne, ce lieu détient une symbolique forte. 

Une légende arménienne

Pour les habitants historiques de la région, les Arméniens, le mont Ararat, qu’ils appelaient Masik (ou Masis pour le Grand Ararat uniquement), reste la demeure d’Ara. Héros mythique divinisé, descendant de Haïk, le père fondateur de l’Arménie, il appartient à un culte qui précédait la chrétienté, adoptée officiellement au IVe siècle dans ce pays. 

Selon la légende, il possédait une beauté exceptionnelle qui lui valut le nom d’Ara le Beau. Si bien qu’il attira l’attention de la reine Sémiramis… Elle-même d’ascendance divine, cette souveraine guerrière assyrienne serait la fondatrice de Babylone et de ses jardins suspendus.

Devenue veuve du roi Ninos de Ninive, elle déclare ouvertement son intérêt pour Ara qu’elle n’avait jamais rencontré et qui règnait alors sur la province que forme l’Arménie. Elle le couvre de cadeaux, mais celui-ci ne prête aucune attention à ses avances. Déçue et blessée, la souveraine fait lever sa puissante armée et marche sur l’Arménie.

Elle mène bataille après bataille dans la région entourant le mont Ararat pour tenter de se rapprocher de l’objet de son attention et le séduire par la force. Ara le Beau continue d’ignorer ses avances. Il meurt, blessé au cours d’un combat, alors que Semiramis avait demandé qu’il soit épargné par tous les moyens.

Le Mont Ararat en Arménie, symbole d’un pays millénaire

De là, les versions de l’histoire divergent. Faisant amener le corps du roi dans son palais, la reine tente d’utiliser les pouvoirs magiques dont elle est dotée et invoque les dieux pour qu’ils rendent la vie à Ara. N’y parvenant pas, elle déclare tout de même que le roi a ressuscité pour éviter d’autres combats avec les Arméniens.

Une version divergente du récit raconte que les servants de Semiramis n’arrivent pas à retrouver le corps de l’homme parmi les morts. La reine est emplie de regrets à la vue des atrocités qu’elle a causées. Ces deux interprétations de la légende relatent dans tous les cas la conquête de l’Arménie et de son plus haut sommet par les Assyriens. Un des nombreux épisodes de l’histoire mouvementée de ce pays.