Voici l’histoire du tartalo aveugle. II y avait une fois un Tartalo, géant à figure humaine, d’une force extraordinaire, et n’ayant qu’un oeil au milieu du front. Il n’aimait rien tant que la chair de chrétien ; il en sentait de très loin l’odeur, et chassait toujours les chrétiens qui s’aventuraient dans son voisinage.
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PalancaEl tartalo ciego
Une nuit qu’il était absent, un jeune homme égaré vint à sa porte demander le couvert jusqu’au matin. La femme du Tartalo permit à l’étranger d’entrer, mais lui déclara qu’elle ne pouvait disposer que d’une grange où il partagerait, si cela lui convenait, la litière des brebis.
« – Oui, volontiers, dit le jeune homme, car je suis fatigué. »
Bientôt arrive le Tartare. A peine il a refermé la porte sur lui, qu’il s’écrie :
« – Assi qu’ey a car de Christia » (occitant ?)
Comme il n’avait pas faim en ce moment, ayant fait son souper de deux brebis, il se contenta de dire au chrétien :
« – Demain, je te mangerai pour mon dessert ». Puis il s’étendit devant le feu, s’endormit bientôt et ronfla bruyamment.
Que fait alors le chrétien ? Malgré sa peur, il comprit qu’il n’avait rien à ménager, et que le moment était propice pour rendre impuissant son ennemi. Il saisit la broche du foyer, la fait rougir au feu et en perce l’oeil du Tartalo. Le géant se lève en rugissant :
» C’est le coup du chrétien, dit-il, il me le paiera ».
Il le poursuit à tâtons, mais l’autre se cacha parmi les brebis. Le Tartalo, fatigué d’une poursuite sans résultat, imagine une ruse. Il prend une brebis, la met dehors, occupe lui-même la porte et fait passer les autres une à une entre ses jambes, les tâtant toutes soigneusement. Le jeune homme, comprenant le danger, se couvre de la peau d’une brebis, se met à quatre pattes et se glisse au lieu du troupeau.
Mais le Tartalo était sur ses gardes et l’empoigna. Le jeune homme, lui laissant la peau entre les mains, s’échappe dehors.
Alors le mari et la femme se mettent à sa poursuite. Le pauvre chrétien avait beau courir, il tournait, tournait et revenait toujours au même endroit. La femme du Tartare dit alors :
« – Chrétien, mets cet anneau à ton doigt, et tu trouveras ton chemin. »
Il prend l’anneau et voilà que l’anneau se met à crier :
« – Je suis ici, je suis ici ! ».
Guidé par la voix, le Tartalo commence une poursuite plus assurée, et va saisir le jeune homme. Celui-ci essaye d’ôter l’anneau, mais l’anneau tenait bon. Il coupe alors son doigt et le jette avec l’anneau entre deux roches escarpées. L’anneau cria :
« – Je suis ici, je suis ici ! »
Le Tartare, suivant la voix, se jeta d’un furieux élan au fond du précipice et s’y brisa.