Les contes de Pensé contiennent les contes suivants : Conte d’amour, La jarre d’or, La princesse des eaux, Le bien d’autrui, Le chapeau qui rend invisible, Le conte de l’homme riche, Le roi et le barbier, L’homme et le diable, La chemise ornée de diamants, Aslanzate et Zanpolate, La fille du coffre, Frère agnelet, Crainte, Le lare domestique, Rira bien qui rira le dernier, Talou Orlan, Topal, Le cerf-volant révélateur, Le chasseur Ahmad, Le derviche et les filles, La fille du roi de Chine, Grain-de-grenade, Nerso
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ToggleAslanzate et Zanpolate
Il y avait un riche armateur qui n’avait pas d’enfant. Il dépensait tout son argent en médecins et guérisseurs pour avoir un enfant, mais il n’y avait rien à faire, tout était inefficace. Il devint très pauvre, il en fut réduit à mendier de porte en porte.
– Femme, dit-il, nous ne pouvons pas continuer à vivre ainsi. Allons dans un pays pauvre où personne ne nous connaît.
Ils vont dans un pays lointain, arrivent dans un village, où ils voient qu’ils ne peuvent pas survivre non plus. Ils se rendent à la ville du roi. A peine sont-ils arrivés que la femme est prise des douleurs de l’enfantement. Ils se réfugient vite sous les remparts du château du roi.
– Homme, dit la femme, il n’est pas convenable que tu assistes à mon accouchement, mes douleurs empirent, laisse-moi seule, je serai plus tranquille.
L’homme s’éloigne. Dès son départ, trois anges viennent tournoyer autour de la tête de la femme. Elle accouche, ils prennent l’enfant, l’enveloppent dans un lange et le déposent sur le sein de sa mère. Les anges disent :
» Avant de partir, bénissons l’enfant « .
Le premier ange dit : » Je bénis l’enfant : qu’il devienne roi d’Orient et d’Occident « .
Le deuxième ange dit : » Je bénis l’enfant : que personne ne puisse le vaincre « .
Le troisième ange dit :
» Je bénis l’enfant : que personne ne puisse lui percer le cœur « .
Ayant ainsi parlé, ils s’envolent au ciel.
Le gardien du palais du roi, ayant entendu ces bénédictions, se précipite chez le roi et lui répète tout. Le cœur du roi se brise en apprenant que ce nourrisson va se dresser devant son propre fils, qu’il va s’emparer de sa royauté. Il appelle le père et la mère, il leur donne un sac d’or du poids de l’enfant et se saisit du bébé. Il le remet à ses hommes et leur ordonne de l’emmener très loin et de le tuer.
Les hommes du roi partent, mais ils ont pitié de l’enfant, ils ne le tuent pas, ils le jettent dans un ravin et rentrent chez eux.
L’enfant avait de la chance. Une lionne qui avait perdu son petit s’approche de lui, lui met une mamelle dans la bouche, l’allaite aussi longtemps qu’il le faut.
Un jour que le roi et ses hommes étaient en forêt à la chasse, ils voient un lion, ils s’arrêtent. Le lion se sauve, les hommes s’approchent de son repaire, ils voient, assis par terre un enfant fort comme un ours. Ils en informent le roi qui leur ordonne de l’emmener au palais pour devenir le compagnon de son fils. On le nomma Aslanzate, car il était certain que la lionne l’avait allaité et protégé.
Le fils du roi, Joseph, aima l’enfant comme un frère. Ils grandirent ensemble et devinrent de beaux jeunes gens.
Mais bientôt le fils du roi s’affaiblit. Aucun médecin ne fut capable de le guérir. Seule, une vieille guérisseuse devina son mal. Elle dit : » il faut que le fils du roi épouse la sœur des quarante démons, elle seule peut le guérir, sinon il mourra. «
Le roi ne savait pas quoi faire. Il appelle Aslanzate. Celui-ci arrive ; il se tient devant le roi.
» Aslanzate, fils, dit le roi, tu vois dans quel état est mon fils. Prends autant de soldats que tu veux et va chercher la sœur des quarante démons pour ton frère. «
» Longue vie au roi ! dit Aslanzate, je n’ai pas besoin de soldats, j’irai avec Joseph et je ferai ce qu’il faut, je le promets. «
Aslanzate et Joseph se mettent en route. Ils cheminent, ils cheminent, ils arrivent dans une montagne désolée, ils voient au sommet un mince filet de fumée s’élever, ils se dirigent vers ce mont et arrivent dans la maison des quarante démons.
Les démons sentent leur odeur et s’étonnent. Comment se fait-il que des êtres humains soient arrivés sur leur territoire, où l’aigle n’est pas parvenu avec ses ailes, ni le serpent avec son ventre ? Ils consultent leur livre et apprennent que leur visiteur est Aslanzate. Ils se taisent, terrifiés. Puis ils les font entrer et font la fête pendant trois jours et trois nuits. Enfin, Aslanzate dit :
» Je suis venu chercher votre sœur pour la marier à Joseph. «
Les démons font grise mine, mais la peur les empêche de protester. Ils acceptent ; ils préparent le trousseau de leur sœur. Il ne manque qu’une paire de souliers, disent-ils, il faut aller les chercher chez une vieille sorcière qui habite dans la montagne en face. Qui va y aller ? Seul Aslanzate peut y aller !
Les démons s’imaginaient qu’Aslanzate allait se perdre, qu’ils le tueraient et que Joseph deviendrait leur esclave.
(Qu’Aslanzate aille chercher les souliers, revenons à Joseph et à la sœur des démons !)
Les fiancés visitent la propriété. Ils arrivent devant une pièce dont la porte est fermée à double tour. Quelqu’un à l’intérieur les supplie d’ouvrir. La fille fait ouvrir la porte, ils entrent, ils voient un homme assis, les pieds et les mains liés, une carcasse de mouton à sa droite, une carcasse de mouton à sa gauche, et, devant lui, une cruche d’eau. Mais cet homme ne peut ni manger ni boire. Il les supplie. Il dit :
» Pitié ! donnez-moi un petit bout de viande à manger et un peu d’eau à boire ! «
Joseph a pitié de lui, il lui tend un morceau de viande, il lui donne à boire. A peine l’homme a-t-il mangé et bu, ses liens tombent ; il se met debout, il donne un grand coup à Joseph qui se trouve mal et s’effondre, puis il enlève la fille et disparaît.
Cet être était Zanpolate.
Le soir, les démons rentrent chez eux, ils ne trouvent ni Zanpolate, ni leur sœur, ils deviennent furieux, ils sont fous de rage, ils voudraient tuer Joseph, mais ils n’y touchent pas, ils attendent qu’Aslanzate revienne…
(Qu’ils attendent. Allons voir Aslanzate !)
Celui-ci est arrivé au mont d’en face. Il entre dans la demeure de la sorcière, il voit là un bébé accroché par les bras à une poutre, et qui crie, qui hurle à se déchirer le gosier.
» Je t’implore à genoux, Aslanzate, dit la vieille femme, tu vois l’état de cet enfant, c’est mon cruel mari qui l’a pendu là-haut pour m’empêcher de l’allaiter, et pour que je fasse uniquement le travail de la maison. Si tu aimes ton dieu, descends-le que je lui donne la tétée. Je mourrais pour toi, Aslanzate ! «
Aslanzate monte sur un escabeau, aussitôt la vieille se lève, elle les genoux d’Aslanzate de toutes ses forces, elle défait sa ceinture et s’apprête à l’attacher.
Ah ! dit Aslanzate, la vieille veut ma perte, holà ! Il tend le bras, il lui attrape les cheveux, il la jette par terre, il l’écrase, il prend les souliers, il retourne auprès de Joseph, il voit qu’il est malade, la jeune fille a disparu, les démons sont affligés.
Il se met en route, il marche longtemps, Dieu seul sait combien de temps.
Il arrive dans un pays inconnu, dans une ville inconnue. Il voit une vieille femme devant sa porte qui essaie de parler, elle ouvre la bouche et dit : » eau « .
Tu te rends compte, dans cette ville il n’y avait plus d’eau. Il y avait bien une source, mais elle était gardée par un dragon qui exigeait une jeune fille vierge en échange d’un peu d’eau. Dès qu’il l’avait mangée, il coupait l’eau. Ce jour-là, c’était la fille du roi qui allait être sacrifiée, elle était attachée à un arbre.
Aslanzate prend son épée et se dirige vers la source.
» Je t’en supplie, vaillant jeune homme, dit la fille du roi, pourquoi mets-tu ta jeune vie en danger ? Eloigne-toi avant qu’il ne soit trop tard, le dragon va bientôt sortir, il va t’avaler, éloigne-toi, malheureux !
Aslanzate tire son épée, il attend, le dragon sort. Dès qu’il ouvre sa gueule, le jeune homme lui tranche la tête, la découpe et jette les morceaux. Puis il court délivrer la jeune fille. La fille trempe ses mains dans le sang, elle enlace la taille d’Aslanzate.
Toute le ville se rassemble devant le palais du roi pour savoir qui est le vaillant héros qui a tué le dragon. L’un dit : c’est moi. Un autre dit : Non, c’est moi. Mais la fille du roi les traite de menteurs. Elle court, tenant la main du jeune homme ; elle l’amène devant le roi.
» Père, dit-elle, voici celui qui a tué le dragon et qui m’a délivrée. J’ai imprégné sa taille du sang du dragon, regarde !
Le roi est fou de joie, il fait entrer le jeune homme dans son palais, il lui fait fête. Il dit : » Valeureux garçon, que veux-tu ? je te le donne. Veux-tu la moitié de mon royaume ? «
» Longue vie au roi, dit Aslanzate, je ne veux rien, je voudrais seulement être roi de ton pays pendant un mois. «
Le roi descend de son trône, lui met la couronne sur la tête. Aslanzate, selon la prédiction de l’ange, devient roi de l’Occident.
Aussitôt couronné, le nouveau roi ordonne que de chaque village un homme parte à travers les montagnes à la recherche de Zanpolate. Dans tout le pays, enhardis par le courage de leur souverain, des volontaires se lèvent comme un seul homme.
Un mois plus tard, il rend le trône et la couronne, il met le chapeau qui rend invisible, il escalade les montagnes, il trouve la maison de Zanpolate, il voit la fiancée de Joseph. Ils réfléchissent ensemble, comment savoir où Zanpolate cache son âme, comment l’attraper et le tuer ? La fiancée de Joseph avait découvert le secret de Zanpolate, elle dit que son âme se trouve dans trois moineaux qui sont enfermés dans une boîte. Cette boîte est dans l’estomac d’un chien de chasse qui est lui-même dans le ventre d’un taureau sauvage. Donc, tu dois d’abord tuer ce taureau sauvage, puis le chien de chasse, enfin les trois moineaux. Alors seulement Zanpolate n’aura plus aucun pouvoir.
Il s’agit maintenant de trouver le taureau sauvage. Or,Zanpolate avait dit à la jeune fille que ce taureau errait nuit et jour dans la montagne, il n’avait pas de demeure, il ne dormait pas, il ne descendait de la montagne qu’une fois par semaine pour boire de l’eau et retournait aussitôt dans la montagne. On ne peut donc le voir qu’à ce moment-là.
Aslanzate va près de la source, il se cache . Quelques jours plus tard, il voit un taureau sauvage, la langue pendante jusqu’à terre, arriver comme un ouragan, se pencher pour boire. Aslanzate tend son arc et le perce de part en part avec sa flèche. Puis il lui ouvre le ventre avec son épée, il coupe la tête du chien de chasse, il sort la boîte, il l’ouvre, il réussit à tuer deux des moineaux, mais le troisième s’envole vers Zanpolate. Aslanzate arrive, il l’attrape et lui coupe la tête. Zanpolate meurt.
Aslanzate emmène la fiancée de Joseph chez les quarante démons, il voit Joseph émacié, sale et dépenaillé, car il travaillait nuit et jour dans les écuries et sortait le fumier. Quand les démons voient Aslanzate, ils se jettent à ses pieds, ils le supplient de leur laisser la vie sauve, ils font de grands préparatifs pour le départ de leur sœur.
Aslanzate, Joseph et la fille se mettent en route. Ils arrivent au pays-des-trois-démons, près d’un ruisseau. Ils dressent une tente, ils mangent, ils boivent, ils se réjouissent, ils dorment. Le matin, en oouvrant les yeux, ils voient qu’un serpent-dragon est enroulé tout autour de leur tente, sa queue touche sa tête. Ils tremblent ; Aslanzate aussi a peur. Le serpent-dragon dit : » Aslanzate, va trouver le roi de Chine, écoute son histoire et celle de la reine Khoul. Qu’a-t-elle fait à la Chine ? Que lui a fait la Chine ? reviens me le raconter. Si tu ne viens pas, je tuerai le garçon et la fille. Va ! «
Aslanzate enfourche son cheval marin, il se met en route. S’il a trotté longtemps ou non, lui seul le sait, et Dieu. Il arrive au bord d’une mer immense. Son cheval hennit. Les autres chevaux marins s’approchent et lui promettent de faire traverser Aslanzate. Ils le font traverser. A partir des montagnes, Aslanzate va à pied, il ne monte plus à cheval. Il marche, il marche, il arrive auprès d’un grand arbre à l’ombre duquel il voudrait se reposer un instant. Il voit un grand serpent enroulé autour du tronc, et qui essaie de ramper jusqu’au sommet, jusqu’au nid d’un aigle dont il veut dévorer les petits.
Aslanzate tire son épée, découpe le serpent et jette les morceaux. Peu après, ayant sommel, il s’endort. L’aigle arrive et voit du sang tout autour de son nid ; est-il possible qu’on ait tué ses petits ? Il vole vers le dormeur pour lui crever les yeux, mais les petits font comprendre à leur mère que c’est lui qui les a délivrés du serpent. Alors l’aigle étend ses grandes ailes au-dessus de lui et attend qu’il se réveille. Aslanzate ouvre les yeux, il voit un aigle au-dessus de lui, comme un parasol. Il s’étonne. L’aigle dit :
» tu as sauvé mes petits du méchant serpent. Dis-moi ce que tu veux, je te le donne. «
- » Je ne veux rien, aigle. Mais puisque ma route est dure, pleine de pierres et de rochers, emmène-moi sur tes ailes là où je le désire. «
- » Promis ! » dit l’aigle.
Pendant quarante jours, Aslanzate donne à manger à l’aigle de la queue de mouton, il le fortifie, il prend soin de lui, puis il monte sur son dos et vole jusqu’en Chine. Il descend devant le palais du roi. L’aigle laisse une de ses plumes à côté de lui et dit : » Si un jour tu as des ennuis, brûle le bout de l’aile, je viendrai à ton secours. «
Et il s’envole.
Aslanzate se rend auprès du roi de Chine, il lui raconte son histoire et lui présente sa requête.
» Bien, dit le roi, je te raconterai mon histoire, mais au prix de ta vie. Il ne faut pas que cette histoire s’ébruite hors des murs de ce palais. Si elle est divulguée, tu seras décapité. Va te renseigner, combien de têtes sont déjà tombées. Tu es d’accord ? « Oui, je suis d’accord. » Moi, je suis le roi de Chine, le plus puissant et le plus riche du monde. Mes soldats, mes serviteurs, mes femmes sont innombrables. Parmi mes femmes, la plus belle et ma préférée étai t Khoul. Aslanzate, tu vois cette cage accrochée au mur ? Je vais poser des questions au pigeonneau qui est dedans, il répondra. D’accord ?
- Gra, gra, gra, dit le pigeonneau en remuant la tête.
- » Le nombre de mes chevaux arabes était incalculable. J’avais embauché un gardien pour les nourrir, les faire boire, les brosser, etc. mais au fil des jours, mes chevaux devenaient de plus en plus faibles. Quel était ce mystère ? Une nuit, je mis les vêtements du gardien et j’ai été voir ce qui se passait…
Soudain, j’ai vu la reine Khoul entrer avec un Noir, entourée de serviteurs noirs. Ils sont montés sur les chevaux, ils sont partis manger, boire, faire la fête, et sont rentrés à l’aube. C’est vrai ?
» gra, gra, répondit le pigeonneau.
» Tu te rends compte, quelle malchance, ces choses-là ne dataient pas d’hier. Un jour, la reine Khoul et a mis au monde un enfant noir. Je n’ai pas pu le supporter, j’ai fait couper la tête de l’enfant. Khoul est devenue enragée et dans sa fureur, elle m’a frappé avec sa canne, et m’a transformé en âne. » J’ai alors transporté tellement de bois et d’eau qu’il ne me restait plus que la peau sur les os. Je ne sais pas si elle a eu pitié ou quoi, elle m’a de nouveau frappé avec sa canne et m’a transformé en chiot. Je ramassais des miettes de pain et des petits bouts d’os pour me nourrir. C’est vrai ? » gra, gra (c’est vrai aussi) «
Pour que cette affaire ne s’ébruite pas, le roi fait un signe. Aussitôt les bourreaux entrent pour couper la tête d’Aslanzate. Celui-ci met vite le chapeau qui rend invisible, et disparaît.
Il brûle le bout de l’aile de l’aigle ; l’aigle arrive et le transporte au bord de la mer. Puis les chevaux marins le transportent sur l’autre rive, où l’attendait son cheval.
Il va retrouver Joseph et sa fiancée, assis sous la tente entourée du serpent-dragon.
Aslanzate s’assoit, il raconte l’histoire du roi de Chine et de la reine Khoul. Il a à peine terminé son récit que le serpent-dragon se déchire, une merveilleuse jeune fille en sort, belle à croquer. C’était la fille du roi de Chine et de la reine Khoul.
Aslanzate et Joseph se mettent en route, ils rentrent à la maison. Joseph épouse la sœur des quarante démons, Aslanzate épouse la fille du roi de Chine. Ils font la noce pendant sept jours et sept nuits, ils mangent, ils boivent, ils se réjouissent.
Ils ont réalisé leurs vœux. Que les vôtres aussi se réalisent !
En cette longue veillée d’hiver, trois pommes sont tombées du ciel, l’une pour le conteur et les deux autres pour les auditeurs.