Voici le conte basque sur le Tartaro / le Tartare et le Heren-Suge.
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ToggleLe Tartaro / le Tartare et le Heren-Suge
COMME beaucoup d’entre nous qui sont, ont été et seront dans le monde, il y avait un roi, sa femme et trois fils. Le roi partit un jour à la chasse et attrapa un Tartare. Il le ramène chez lui, l’enferme en prison dans une étable, et proclame, au son de la trompette, que toute sa cour se réunirait le lendemain chez lui, qu’il leur donnerait un grand dîner, et ensuite leur montrerait un animal comme ils n’en avaient jamais vu.
Le lendemain, les deux fils du roi jouaient au ballon contre (le mur de) l’écurie où était enfermé le Tartare, et la balle entra dans l’écurie. Un des garçons va et demande au Tartare…
« Renvoie-moi ma balle, je t’en supplie.
Il lui dit : « Oui, si tu me délivres. »
Il répond « Oui, oui » et il lui lance la balle.
Un instant après, le ballon revient au Tartaro. Il le redemande ; et le Tartare dit :
« Si tu me délivres, je te le donnerai. »
Le garçon dit « Oui, oui », prend sa balle et s’en va.
Le ballon y va pour la troisième fois, mais le Tartaro ne le donnera pas avant d’être sorti. Le garçon dit qu’il n’a pas la clé. Le Tartare lui dit :
« Va chez ta mère, et dis-lui de regarder dans ton oreille droite, parce que quelque chose te fait mal là-bas. Ta mère aura la clé dans sa poche gauche, et sors-la. »
Le garçon s’en va et fait ce que le Tartare lui a dit. Il prend la clé de sa mère, et livre le Tartare. Quand il le laissa partir, il lui dit :–
« Que dois-je faire de la clé maintenant ? Je suis perdu.
Le Tartare lui dit :
« Retourne chez ta mère, et dis-lui que ton oreille gauche te fait mal, et demande-lui de regarder, et tu glisseras la clé dans sa poche. »
Le Tartare lui dit aussi qu’il aura bientôt besoin de lui, qu’il n’aura qu’à l’appeler et qu’il sera son serviteur pour toujours.
Il remet la clé ; et tout le monde est venu au dîner. Quand ils eurent bien mangé, le roi leur dit qu’ils devaient aller voir cette chose curieuse. Il les emmène tous avec lui. Quand ils sont arrivés à l’étable, il la trouve vide. Juge de la colère de ce roi et de sa honte. Il a dit:
« Je voudrais manger le coeur mi-cuit et sans sel de celui qui a lâché ma bête. »
Quelque temps après, les deux frères se disputèrent en présence de leur mère, et l’un dit à l’autre :
« Je raconterai à notre père l’affaire du Tartare. »
Quand la mère a entendu cela, elle a eu peur pour son fils et lui a dit :
« Prenez autant d’argent que vous le souhaitez. »
Et elle lui a donné la Fleur de lys. « Par cela, tu seras connu partout comme le fils d’un roi. »
Petit Yorge s’en va, puis, loin, loin, très loin. Il dépense et dilapide tout son argent, et ne sait que faire de plus. Il se souvient du Tartare, et l’appelle directement. Il vient, et Petit Yorge lui raconte tous ses malheurs ; qu’il n’a plus un sou, et qu’il ne sait pas ce qu’il adviendra de lui. Le Tartare lui dit :
« Quand tu auras fait un peu de chemin d’ici, tu arriveras dans une ville. Un roi y habite. Tu iras dans sa maison, et on te prendra pour jardinier. Tu arracheras tout ce qu’il y a dans le jardin, et le lendemain, tout sera plus beau qu’avant. De plus, trois belles fleurs fleuriront, et tu les porteras aux trois filles du roi, et tu donneras la plus belle à la plus jeune fille.
Il s’en va donc, comme il le lui avait dit, et il leur demande s’ils veulent un jardinier. Ils disent : « Oui, en effet, beaucoup. Il va au jardin, et arrache les beaux choux, et aussi les beaux poireaux. La plus jeune des filles du roi le voit, et elle le dit à son père, et son père lui dit :
« Laissez-le tranquille, nous verrons ce qu’il fera après. » Et, en effet, le lendemain, il voit des choux et des poireaux comme il n’en avait jamais vus. Petit Yorge apporte une fleur à chacune des demoiselles. L’aîné a dit :
« J’ai une fleur que le jardinier m’a apportée, qui n’a pas son égal dans le monde. »
Et la seconde dit qu’elle en a un, elle aussi, et que personne n’en a jamais vu d’aussi beau. Et la plus jeune disait que la sienne était encore plus belle que la leur, et les autres l’avouent aussi. La plus jeune des demoiselles trouvait le jardinier très à son goût. Chaque jour, elle lui apportait son dîner. Au bout d’un certain temps, elle lui dit :
« Tu dois m’épouser. »
Le garçon lui dit,
« C’est impossible. Le roi n’aimerait pas un tel mariage. »
La jeune fille dit aussi
« Eh bien, en effet, cela ne vaut guère la peine. Dans huit jours, je serai mangé par le serpent. »
Pendant huit jours, elle lui apporta de nouveau son dîner. Le soir elle lui dit que c’est pour la dernière fois qu’elle l’a apporté. Le jeune homme lui dit : « Non », qu’elle le ramènera ; que quelqu’un va l’aider.
Le lendemain, Petit Yorge part à huit heures appeler le Tartare. Il lui raconte ce qui s’est passé. Le Tartare lui donne un beau cheval, une belle robe et une épée, et lui dit d’aller à un tel endroit, et d’ouvrir la porte de la voiture avec son épée, et qu’il coupera deux des têtes du serpent. Petit Yorge se rend audit endroit. Il retrouve la jeune femme dans la voiture. Il lui demande d’ouvrir la porte. La jeune dame dit qu’elle ne peut pas l’ouvrir, qu’il y a sept portes, et qu’il ferait mieux de s’en aller ; qu’il suffit qu’une seule personne soit mangée.
Petit Yorge ouvre les portes avec son épée, et s’assied à côté de la demoiselle. Il lui dit qu’il s’est fait mal à l’oreille et lui demande de la regarder; 1 et en même temps il coupe sept morceaux des sept robes qu’elle portait, sans que la jeune fille ne le voie. Au même instant vient le serpent, et lui dit :
« Au lieu d’un, j’en aurai trois à manger. »
Petit Yorge saute sur son cheval et lui dit : « Tu n’en toucheras pas, tu n’en auras pas un de nous.
Et ils commencent à se battre. Avec son épée, il coupe une tête, et le cheval avec ses pieds une autre ; 1 et le serpent demande quartier jusqu’au lendemain. Petit Yorge y laisse la demoiselle. La jeune femme est pleine de joie; elle souhaite ramener le jeune homme chez elle. Il n’ira par aucun moyen (dit-il); qu’il ne peut pas ; qu’il a fait vœu d’aller à Rome ; mais il lui dit que « demain mon frère viendra, et lui aussi pourra faire quelque chose ». La demoiselle rentre chez elle, et Petit Yorge dans son jardin. A midi, elle vient chez lui avec le dîner, et Petit Yorge lui dit :
« Vous voyez que c’est vraiment arrivé comme je vous l’ai dit – il ne vous a pas mangé. »
« Non, mais demain il me mangera. Comment pourrait-il en être autrement ?
« Non, non ! Demain vous m’apporterez encore mon dîner. De l’aide viendra à vous.
Le lendemain, Petit Yorge s’en va à huit heures chez le Tartare, qui lui donne un nouveau cheval, un autre habit et une belle épée. A dix heures il arrive chez la demoiselle. Il lui demande d’ouvrir la porte. Mais elle lui dit qu’elle ne peut en aucune façon ouvrir quatorze portes ; elle est là, et qu’elle ne peut pas les ouvrir, et qu’il doit s’en aller ; qu’il suffit qu’un seul soit mangé ; qu’elle est peinée de le voir là. Dès qu’il les a touchés de son épée, les quatorze portes s’ouvrent. Il s’assoit à côté de la jeune femme et lui dit de regarder derrière son oreille, car elle lui fait mal. En même temps, il coupe quatorze morceaux des quatorze robes qu’elle portait. Dès qu’il eut fait cela, le serpent vint, disant joyeusement :
« Je n’en mangerai pas un, mais trois. »
Petit Yorge lui dit : « Pas même l’un de nous.
Il saute sur son cheval et commence à se battre avec le serpent. Le serpent fait des bonds terribles. Après avoir longtemps combattu, Petit Yorge est enfin vainqueur. Il coupe une tête, et le cheval une autre avec son pied. Le serpent demande quartier jusqu’au lendemain. Petit Yorge l’accorde, et le serpent s’en va.
La demoiselle veut ramener le jeune homme chez elle, pour le montrer à son père ; mais il n’ira par aucun moyen.
Il lui dit qu’il doit se rendre à Rome et partir le jour même ; qu’il a fait un vœu, mais que demain il enverra son cousin, qui est très hardi et qui n’a peur de rien.
La demoiselle va chez son père, Petit Yorge dans son jardin. Son père est ravi et ne comprend pas du tout. La demoiselle repart avec le dîner. Le jardinier lui dit :
« Tu vois que tu es revenu aujourd’hui, comme je te l’ai dit. Demain tu reviendras, tout de même. »
« Je devrais être très heureux de lui. »
Le lendemain, Petit Yorge partit à huit heures pour le Tartare. Il lui dit que le serpent avait. encore trois têtes à couper, et qu’il avait encore besoin de tout son secours. Le Tartare lui dit :
« Tais-toi, tais-toi, tu vas le vaincre. »
Il lui donne une nouvelle robe, plus belle que les autres, un cheval plus fougueux, un chien terrible, une épée et une bouteille de bonne eau parfumée. Il lui dit,
« Le serpent te dira : « Ah ! si j’avais une étincelle entre ma tête et ma queue, comme je te brûlerais, toi et ta dame, et ton cheval et ton chien. Et toi, tu lui diras alors : « Moi, si j’avais l’eau parfumée à sentir, je te couperais une tête, le cheval une autre, et le chien une autre. Tu donneras cette bouteille à la demoiselle, qui la mettra sur son sein, et, au moment même où tu diras cela, il faudra qu’elle t’en jette à la figure, et au cheval et au chien aussi.
Il s’en va alors sans crainte, car le Tartare lui avait donné cette assurance. Il vient alors à la voiture. La jeune femme lui dit :
« Où vas-tu? Le serpent sera ici directement. C’est assez s’il me mange. »
Il lui dit : « Ouvre la porte.
Elle lui dit que c’est impossible; qu’il y a vingt et une portes. Ce jeune homme les touche avec son épée, et ils s’ouvrent d’eux-mêmes. Ce jeune homme lui dit en lui donnant le biberon,
« Quand le serpent dira : ‘Si j’avais une étincelle entre ma tête et ma queue, je te brûlerais’, je lui dirai : ‘Si j’avais sous le nez une goutte d’eau odorante’ ;’ tu prendras la bouteille et tu m’en jetteras tout à l’heure.
Il lui fait alors regarder dans son oreille et, pendant qu’elle regarde, il coupe vingt et un morceaux des vingt et une robes qu’elle portait. Au même instant vient le serpent, disant avec joie :
« Au lieu d’un, j’en aurai quatre à manger. »
Le jeune homme lui dit : « Et tu ne toucheras à aucun de nous, en tout cas.
Il saute sur son fougueux cheval, et ils se battent plus férocement que jamais. Le cheval bondit aussi haut qu’une maison, et le serpent, furieux, lui dit :
« Si j’avais une étincelle de feu entre ma queue et ma tête, je vous brûlerais vous et votre dame, et ce cheval et ce chien terrible. »
Le jeune homme dit,
« Moi, si j’avais l’eau parfumée sous le nez, je vous couperais une tête, et le cheval une autre, et le chien une autre. »
En disant cela, la jeune femme se lève d’un bond, ouvre la bouteille et très habilement jette l’eau là où elle est voulue. Le jeune homme coupe une tête avec son épée, son cheval une autre, et le chien une autre ; et ainsi ils font disparaître le serpent. Ce jeune homme prend les sept langues avec lui et jette les têtes. Jugez de la joie de cette demoiselle. Elle voulait aller directement chez son père avec son conservateur (dit-elle), que son père devait lui aussi le remercier ; qu’il lui doit sa fille. Mais le jeune homme lui dit que cela lui est tout à fait impossible ; qu’il doit aller rencontrer son cousin à Rome ; qu’ils ont fait un vœu, et qu’à leur retour, ils viendront tous trois dans la maison de son père.
La jeune femme est vexée, mais elle s’en va sans perdre de temps pour raconter à son père ce qui s’est passé. Le père est très heureux que le serpent ait été entièrement détruit ; et il proclame dans tout le pays que celui qui a tué le serpent doit en apporter les preuves.
La demoiselle repart avec le dîner chez le jardinier. Il lui dit,
« Je t’ai dit vrai, alors, que tu ne serais pas mangé ?
Quelque chose a donc tué le serpent ? »
Elle lui raconte ce qui s’est passé.
Mais, voilà ! quelques jours après, apparut un charbonnier noir qui dit qu’il avait tué le serpent et qu’il venait réclamer la récompense. Quand la jeune dame vit le charbonnier, elle dit aussitôt que ce n’était certainement pas lui ; que c’était un beau gentilhomme à cheval, et non un pestiféré d’un homme comme lui. Le charbonnier montre les têtes du serpent ; et le roi dit qu’en vérité, ce doit être l’homme. Le roi n’avait qu’un mot à dire, elle devait l’épouser. La jeune femme dit qu’elle ne le fera pas du tout; et le père commença à la contraindre, (en disant) qu’aucun autre homme ne s’avança. Mais, comme la fille n’a pas consenti à retarder, le roi proclame dans tout le pays que celui qui tuerait le serpent serait aussi capable de faire autre chose, et que, ce jour-là, tous les jeunes gens devrait s’assembler, qu’il accrocherait un anneau de diamant à une cloche, et que quiconque chevauchant en dessous devrait percer l’anneau avec son épée, devrait certainement avoir sa fille.
De tous côtés arrivent les jeunes hommes. Notre petit Yorge s’en va au Tartare, et lui raconte ce qui s’est passé, et qu’il a encore besoin de lui. Le Tartare lui donne un beau cheval, une robe superbe et une épée splendide. Ainsi équipé, Petit Yorge va avec les autres. Il se prépare. La jeune femme le reconnaît aussitôt et le dit à son père. Il a la chance d’emporter l’anneau de son épée ; mais il ne s’arrête pas du tout, et part au galop aussi fort que peut aller son cheval. Le roi et sa fille étaient sur un balcon, regardant tous ces messieurs. Ils virent qu’il continuait. La jeune femme dit à son père :
« Papa, appelle-le ! »
Le père lui dit, d’un ton fâché :
« Il s’en va, parce qu’apparemment il n’a aucune envie de t’avoir. » Et il lui lance sa lance. Il le frappe à la jambe. Il roule toujours. Vous pouvez bien imaginer quel chagrin pour la jeune femme.
Le lendemain, elle accompagne le dîner du jardinier. Elle le voit avec sa jambe bandée. Elle lui demande ce que c’est.
La jeune femme commence à se douter de quelque chose, et va dire à son père comment le jardinier a eu la jambe liée, et qu’il doit aller lui demander ce qui se passe. Qu’il lui avait dit que ce n’était rien.
Le roi n’a pas voulu y aller, (et a dit) qu’elle devait le sortir du jardinier; mais pour plaire à sa fille, il dit qu’il ira là-bas. Il s’en va alors et lui demande : « Qu’y a-t-il ? Il lui dit qu’un prunellier est tombé sur lui. Le roi se fâche et dit « qu’il n’y a pas un prunellier dans tout son jardin, et qu’il lui dit un mensonge ».
La fille lui dit :
« Dis-lui de nous le montrer. »
Il le leur montre, et ils sont étonnés de voir que la lance est toujours là. Le roi ne savait que penser de tout cela. Ce jardinier l’a trompé, et il doit lui donner sa fille. Mais Petit Yorge, découvrant le sien. sein, y montre la « fleur de lys ». Le roi ne savait que dire ; mais la fille lui dit :
« C’est mon conservateur, et je n’épouserai personne d’autre que lui. »
Petit Yorge demande au roi de faire venir cinq couturières, les meilleures de la ville, et cinq bouchers. Le roi les envoie chercher.
Petit Yorge demande aux couturiers s’ils ont déjà fait de nouvelles robes qui avaient un morceau; et sur les couturiers disant « Non », il compte les pièces et les donne aux couturiers, demandant si c’était comme ça qu’ils avaient donné les robes à la princesse. Ils disent: « Certainement pas. »
Il va donc chez les bouchers et leur demande s’ils ont jamais tué des animaux sans langue ? Ils disent : « Non ! » Il leur dit alors de regarder dans les têtes du serpent. Ils voient que les langues ne sont pas là, puis il sort les langues qu’il a.
Le roi, ayant vu tout cela, n’a plus rien à dire. Il lui donne sa fille. Petit Yorge lui dit qu’il doit inviter son père au mariage, mais de la part du père de la jeune fille ; et qu’on lui servira à dîner un cœur de mouton à moitié cuit et sans sel. Ils font une grande fête, et placent ce cœur devant ce père. Ils le font sculpter lui-même, et il en est très indigné. Le fils lui dit alors :
« Je m’y attendais ; » et il ajoute : « Ah ! mon pauvre père, as-tu oublié comment tu as dit que tu voulais manger le cœur à moitié cuit et sans sel de celui qui a laissé passer le Tartare ? Ce n’est pas mon cœur, mais un cœur de mouton. . J’ai fait cela pour rappeler à votre mémoire ce que vous avez dit, et pour vous faire me reconnaître.
Ils s’embrassent et se racontent toutes leurs nouvelles, et quels services le Tartare lui a rendus. Le père revint heureux dans sa maison, et Petit Yorge vécut très heureux avec sa demoiselle chez le roi ; et ils ne voulaient rien, parce qu’ils avaient toujours le Tartare à leur service.