Contes basques 14

Contes basques

Voici diveres contes basques : Les frères de la maison Imatzene, Le battage du blé, Les génies de Jentilbaratza

contes basques

Les frères de la maison Imatzene

Le vendredi saint, trois de la maison Imatzene (quartier d’Ataun) se rendirent à la montagne aux pacages d’Ubedi sur le mont Araoz en compagnie de leurs brebis.

Lorsqu’ils passèrent près du gouffre d’Ubedi, trois veaux rouges en sortirent et se dirigèrent vers eux.
Les trois frères prirent peur et s’enfuirent jusqu’aux hauteurs d’Agaoz. Les veaux les suivirent.
L’un des trois frères mourut à la breche appelée Aldatsa à Agaoz; le second, dans le voisinage d’Erremedio, une maison du quartier Aitzaarte.

Le troisième arriva chez lui mais il vécut peu de jours.


Le battage du blé

Autrefois donc, le Seigneur Jésus allait et venait dans ce monde, avec le grand saint Pierre. Un soir, à l’entrée de la nuit, ils demandèrent à dormir dans une maison, et, tout de suite, il leur fut dit qu’ils auraient une chambre, avec un lit dans cette chambre. Voulant récompenser nos gens, Jésus leur demanda aussitôt à quel travail ils devaient se livrer le lendemain. Ils répondirent qu’ils devaient battre du blé.

Jésus, alors, leur ordonna de contremander les ouvriers; ils battraient le blé, lui et son compagnon. Et nos gens firent comme il avait été dit. Le lendemain, le maître de la maison croyait ferme que Jésus et saint Pierre allaient commencer leur travail dès avant le jour. Mais eux ne bougeaient seulement pas ! Et on n’était pas content à la ronde ! Alors, le maître, étant entré dans la chambre, se hasarda à demander si, ayant tant de blé à battre, ils ne voyaient donc pas qu’il faisait jour depuis longtemps déjà ? Et eux de répondre que oui, qu’ils allaient se lever.

Mais, comme ils restaient toujours au lit, le maître se fâcha et, de nouveau, leur demanda s’ils voulaient, oui ou non, se lever. Et eux de répondre toujours que oui, qu’ils se levaient à l’instant. Mais jamais ils ne se levaient. Alors rouge de colère, le maître s’en vint à eux avec un bâton, et vigoureusement, il frappa celui d’entre eux qui se trouvait sur le bord du lit
– le pauvre saint Pierre.

Puis il s’en fut. Quelque raison qu’il eût de na pas vouloir se lever encore, Jésus entendit les gémissements répétés de saint Pierre et dit à son compagnon:
– « ces gens sont très irrités contre nous… Viens dans le coin du lit où tu pourras caresser tes bleus; sans cela, sur ce bord, ils te frapperont encore. »

Saint pierre était donc à peine installé dans le coin, que, endiablé, le maître arrivait avec son bâton et criait à tue-tête:
– « Attendez un moment, attendez !… Tout de suite, nous allons voir si vous n’allez pas vous lever cette fois !… C’était, tout à l’heure, le tour de celui qui était sur le bord; au tour de celui qui est dans le coin, maintenant ! »
Et, pour la deuxième fois, il frappe et rosse d’importance le pauvre saint Pierre qui s’était mis dans le coin.

Alors, ils se levèrent – saint Pierre avec force soupir; et, ayant entassé le blé, ils y mirent le feu. A ce feu, tout le grain s’égrena; la paille d’un côté, la barbe et la balle d’un autre, et le grain d’un autre côté encore. Nos gens étaient ravis. Bien vite, ils oublièrent toutes leurs impatiences du matin. Mais ils ne savaient pas garder le plus petit secret, et les voisins, ayant appris d’eux comment Jésus avait égrené le blé avec du feu, mirent eux aussi le feu à leur blé, et…. ils le brûlèrent tout.


Les génies de Jentilbaratza

Sur Jean Aguerre, ancien seigneur de cette maison, ainsi que sur sa descendance, pesait la malédiction des génies qui habitaient dans la grotte et dans la vieille forteresse du piton voisin appelé Jentilbaratza (jardin des Jentils).

Un jour qu’il était malade, les génies vinrent lui rendre visite et mirent sur sa couche un dessus de lit en or. Ils le firent à une occasion, celle où le malade devait recevoir les derniers secours de la religion. Comme il faisait noir, les génies restèrent à la maison Aguerre pour tenir compagnie à leur ami.
Les parents de ce dernier, mus par la cupidité, clouèrent la couverture en or à l’armature du lit. Puis, par un jeu de lumières, ils firent en sorte qu’un coq lançât son KUKURRUKU.

En entendant ce chant qui annonçait la fin de la période des génies nocturnes, les habitants de Jentilbaratza s’enfuirent de façon précipitée non sans tirer la couverture. Ils la déchirèrent et n’emportèrent que des lambeaux chez eux. Ce qui subsista resta à Aguerre.

Alors ils comprirent la machination dont ils avaient été les victimes et lancèrent à tout vent cette malédiction:
 » Agerre’n Agerre dan arte, ez dik or eriik edo maliik uts egingo »
(Tant qu’il y aura un Aguerre à Aguerre, il ne manquera pas ici d’impotants ou de manchots).

La malédiction s’accomplit immanquablement.