Marie de France : Milun

Voici le poème (les lais) de Marie de France concernant le mythe arthurien. En voici la version conté en français moderne. Le neuvième lais est : Milun.

Milun

Contenus

Milun

Le poète qui s’occupe à composer des contes doit varier ses récits ; il parlera toujours d’une manière raisonnable, afin que. ses discours puissent plaire à la société. En traitant de Milon je vous dirai en peu de mots les raisons qui ont déterminé à faire nommer ainsi ce Lai.

Milon étoit né dans le Southwales, et du moment où il fut armé chevalier, il n’entroit pas de fois en lice qu’il n’abattît ses rivaux et ne les étendît sur l’arène. Aussi sa renommée s’étendit-elle promptement. Milon étoit estimé et fort connu dans l’Irlande, la Norwège, le Dannemarck, le pays de Logres et l’Albanie ; plusieurs étoient jaloux de ses succès, d’autres l’aimoient pour sa prouesse, et nombre de princes avoient pour lui une grande estime. Dans son pays étoit un baron , dont le nom ne me revient pas, lequel avoit une fille charmante. Le récit des hauts faits de Milon lui étant parvenu , ils inspirèrent une violente passion à cette jeune personne qui le fit prévenir des sentiments qu’elle avoit pour lui. Le chevalier flatté d’apprendre une nouvelle aussi agréable, s’empresse de remercier la demoiselle, lui jure un amour sans fin, et lui dit cent choses pareilles. Il récompense généreusement le messager porteur de la nouvelle.

Mon ami, lui dit-il, j’exige de votre amitié que vous me fassiez obtenir un rendez-vous avec ma belle, afin de nous entendre et de tenir nos amours secrètes. Vous lui remettrez mon anneau d’or , et lui direz que s’il lui plaît, elle viendra vers moi ou bien que je me rendrai auprès d’elle. Le messager retourne au château rendre compte de sa mission, et remet l’anneau qu’il avoit reçu. La demoiselle flattée de voir ses vœux accomplis, accepte la proposition qui lui est faite ; elle invite son amant à venir la trouver dans un verger près de sa chambre, où elle avoit coutume d’aller se récréer. Milon s’y rendoit souvent ; son amour augmentoit sans cesse, et son amie ne tarda pas à montrer les preuves de sa foiblesse. Dès que la demoiselle aperçoit son état, elle mande son amant, se plaint amèrement de ce qu’elle a perdu son père et ses biens. Tous les malheurs vont fondre sur moi, dit-elle, et je serai cruellement punie. Vous savez que je serai traitée sans ménagement, et que je serai vendue pour aller dans un autre pays ; et vous ne devez pas l’ignorer, cette coutume vient des anciens qui l’ont établie.

Milon fort affligé demande conseil à sa mie, et lui promet d’exécuter tout ce qu’elle lui commandera. Dès que je serai accouchée, vous porterez mon enfant chez ma sœur, femme sage, instruite , qui est richement mariée, et qui demeure dans la Northumbrie. Vous lui manderez par votre lettre que cet enfant est à moi, et qu’il me cause bien du chagrin, que je la prie de le faire nourrir et d’en avoir le plus grand soin, peu importe que ce soit garçon ou fille. Outre que je lui attacherai votre anneau au col, je placerai entre ses langes une lettre dans laquelle j’écrirai les noms et l’aventure de ses parents. Ces marques ne lui seront remises que lorsqu’il aura atteint l’âge de raison, afin qu’il puisse un jour nous reconnoître. Cet avis fut adopté ; et, arrivée à son terme, la demoiselle mit au monde un fils. Une vieille femme qui la gardoit prit si bien ses mesures, que personne du château ne se douta de ce qui s’étoit passé. La mère passa au col de son bel enfant l’anneau du chevalier et une bourse de soie qui renfermoit la lettre, afin que personne ne pût la lire. L’enfant fut ensuite placé dans un berceau entouré de beau linge blanc ; sa tète reposoit sur un excellent oreiller; le tout étoit enveloppé d’une riche étoffe bordée de martre tout alentour.

C’est dans cet état que la vieille femme remit le nouveau né à Milon , qui attendoit dans le jardin. Le chevalier commande à ses gens de porter son fils dans 1’endroit désigné, et leur trace la route qu’il doivent suivre. Pendant le voyage, deux nourrices le faisoient boire sept fois par jour , le baignoient et le faisoient reposer à plusieurs reprises. Enfin on arrive chez la tante qui, après avoir lu la lettre, prit le plus grand soin de son neveu et renvoya les valets chez leur maître. Milon quitta son pays pour aller servir un prince étranger. Pendant son absence , le baron maria sa fille à l’un de ses voisins, homme très-vaillant et fort estimé. Quel fut le désespoir de cette tendre amante en apprenant la nouvelle de cet hymen ! D’un côté elle regrette Milon ; de l’autre elle craint que son époux ne s’aperçoive qu’elle a été mère. Non seulement je ne suis plus vierge, mais je crains encore, en perdant mon mari , de descendre au rang de servante pour le reste de mes jours. Je ne me doutois pas qu’il en fût ainsi, je pensois au contraire ne jamais appartenir qu’à mon amant. Il me convient de mourir pour le chagrin que j’éprouve, mais je ne suis pas libre. Malheureusement je suis entourée de gardiens vieux et jeunes, de chambellans qui, haïssant l’amour, ne semblent s’amuser que de la tristesse des autres. Il faut donc renfermer ma douleur puisque je ne peux mourir.

Enfin , les noces eurent lieu , et le nouvel époux emmena sa femme dans son château. En revenant dans son pays, Milon réfléchissoit à son sort et à ses espérances, il ne pouvoit se défendre malgré lui d’une tristesse extrême qui ne se dissipa qu’auprès des lieux habités par son amie. Mais comment pourra-t-il lui mander son retour sans être aperçu. Il écrit une lettre, la scelle, et la confie à un cygne qu’il avoit élevé et qu’il aimoit singulièrement. La lettre cachée parmi les plumes est attaché au col de l’oiseau. Milon appelle son écuyer et le charge du message. Habille – toi sur-le-champ, puis tu te rendras au château de ma belle. Tu prendras avec toi mon cygne, et ne laisse à personne autre que toi le soin de le présenter. Suivant l’instruction qu’il avoit reçue , l’écuyer sort en emportant l’oiseau ; il arrive au château, traverse la ville, et la grande porte dont il appelle le gardien. Ami, lui dit-il, fais-moi le plaisir de m’écouter. Je suis oiseleur de mon métier, j’avois tendu mes lacs à une portée de voix de Carlion, j’ai pris un superbe cygne dont je veux faire hommage à la dame de céans, et je desire le présenter moi-même.

Mon cher, répondit le portier, personne ne parle à madame; cependant je vais aller m’informer si cela peut se faire. Suis-moi. Ils viennent d’abord à la salle où deux chevaliers, assis près d’une grande table, faisoient une partie d’échecs, et retournent promptement sur leurs pas, afin de n’être point vus, se rendent à l’appartement sans que personne se soit aperçu de leur démarche. Avant d’entrer le portier appelle, et aussitôt une jeune fille leur ouvre la porte, les introduit auprès de sa maîtresse, à laquelle le cygne est présenté. La dame recommande à l’un de ses varlets d’avoir le plus grand soin de cet oiseau. Je vous le promets, madame, je puis même vous assurer que l’homme qui vous l’a apporté n’en prendra jamais un pareil. C’est un vrai présent royal qu’il vous a fait, car l’animal paroît être aussi bien dressé qu’il est beau. Le varlet remet le cygne entre les mains de la dame qui, en lui caressant la tête et le col, s’aperçoit qu’une lettre est cachée sous la plume. Elle tressaille, et la rougeur lui monte au visage. Quel autre que son amant peut avoir employé un semblable moyen ? Elle fait récompenser l’écuyer et demande à rester seule.

A peine les hommes sont-ils partis qu’elle mande une jeune personne sa confidente, pour l’aider et lui demander conseil. On détache la lettre dont le Cachet brisé laisse lire la signature de Milon. Cette tendre amante baise cent fois en pleurant ces caractères, sans pouvoir parler. Elle apprend le détail de toutes les peines et des chagrins que son ami a soufferts nuit et jour pour elle. En vous, lui mandoit-il, est ma vie ou ma mort. Tâchez de trouver le moyen de pouvoir nous parler si vous voulez que je vive. Le chevalier, dans sa lettre , prioit sa dame de lui renvoyer sa réponse par le cygne, qu’elle priveroit de nourriture pendant trois jours avant de le laisser partir. Vous pouvez être assurée qu’il reviendra aux lieux d’où il est parti, et qu’il me rapportera votre missive. Elle profita du conseil, aussi après avoir eu grand soin de l’oiseau pendant un mois, elle le mit ensuite à la diète. La dame n’avoit gardé aussi longtemps l’oiseau que parce qu’elle ne savoit comment pouvoir se procurer de l’encre et du parchemin. La dame fit tant qu’elle parvint à se procurer les choses qui lui étoient nécessaires pour écrire. Elle fait sa lettre qu’elle scella de son anneau, et après avoir privé le cygne de nourriture, la dame la lui attache au col, et le met ensuite en liberté.

Cet oiseau qui, par sa nature, mange beaucoup, étant affamé ne tarda pas à se rendre à l’endroit d’où il étoit sorti la première fois. Il prend son vol, vient à la ville, reconnoît la maison de son maître, aux pieds duquel il vient se placer. Milon voyant le cygne est au comble de la joie, il le prend par les ailes et le caresse. Puis appellant son dépensier, il lui ordonne de faire manger son oiseau. Avant de le lui remettre, il lui détache du col la lettre qu’il atteudoit avec tant d’impatience. Son amante lui mandoit : Sans vous je ne puis vivre et goûter aucun plaisir, et ma seule consolation est de recevoir de vos nouvelles. Pendant vingt ans le cygne fut le messager des deux amants qui ne pouvoient se voir ni se parler. Pendant vingt ans il fut comblé d’amitiés et de caresses. Ils n’employoient d’autre moyen que de faire jeûner l’oiseau avant de le laisser partir. Celui, chez lequel il arrivoit lui donnoit aussitôt à manger. Le cygne étoit entièrement dressé à cet exercice, il s’en acquittoit d’autant plus facilement que la dame étoit fort gênée et tenue assez étroitement pour la trouver toujours.

La sœur de la dame à laquelle avoit été confié le fils de Milon en avoit pris le plus grand soin. Sitôt qu’il eut atteint l’âge accompli, ce jeune homme d’une tournure distinguée, avoit déja gagné ses éperons, et venoit d’être armé chevalier. Avant le départ de son neveu pour aller chercher des aventures, la bonne tante lui rendit l’anneau et la lettre qu’il portoit à son col lorsqu’il lui fut remis. Elle lui apprit l’histoire de sa naissance, le nom de son père, celui de sa mère, et lui fit connoître les exploits de l’auteur de ses jours. Sur terre, lui dit-elle, il n’est meilleur chevalier, il est preux, hardi et vaillant. Le jeune homme qui écoutoit avec attention, fut agréablement surpris lorsqu’il entendit le récit des hauts faits de Milon ; enchanté de ce qu’il venoit d’apprendre , il réfléchit qu’il ne seroit pas digne d’une telle origine, s’il ne cherchoit pas à s’illustrer dans les pays étrangers. Le lendemain il prend, congé de sa tante qui, en lui donnant beaucoup d’argent, l’exhorte à toujours se conduire comme un loyal chevalier.

Le jeune homme part, arrive à Southampton, s’embarque, et descend à Barfleur. Il se rend aussitôt en Bretagne, où il se fit remarquer dans les tournois et estimer des gens braves et riches. Le jeune homme ne se rendoit jamais dans un tournoi sans remporter l’avantage sur les autres combattants. Il aimoit les pauvres chevaliers, leur donnoit ce qu’il gagnoit sur les riches, et faisoit toujours une grande dépense. Par-tout où il porta ses pas, le jeune chevalier remporta le prix de la valeur. Aussi la nouvelle de son courage, de sa courtoisie , de sa libéralité , et la réputation du héros se répandirent promptement. On apprit même dans son pays qu’un damoisel avoit passé la mer pour aller remporter le prix dans les tournois, et qu’il faisoit remarquer en lui toutes les qualités exigées dans l’homme revêtu de l’ordre sublime. Comme on ignoroit son origine, on l’avoit surnommé l’homme sans pareil. Le bruit de ses exploits parvint aux oreilles de Milon ; il est fâché de trouver un brave plus brave que lui, et devient jaloux en pensant qu’un jeune chevalier pouvoit le surpasser. Il s’étonne que parmi les anciens aucun n’ait osé essayer ses forces contre le nouveau venu.

Milon forme le projet de passer la mer et d’aller jouter contre le jeune aventureux, afin de le combattre et de le vaincre. Il veut absolument jouter avec lui pour avoir l’honneur de lui faire quitter les étriers , de le renverser sur l’arène, pour venger son honneur qu’il croit outragé. Après le combat, il ira à la recherche de son fils , dont il n’a point de nouvelles depuis l’instant où il a quitté la maison de sa tante. Milon prévient son amie de ses vues, lui fait part de ses desseins , et lui parle du cygne qui fera supporter plus aisément l’ennui de l’absence. Quand la dame fut instruite du projet de son amant, elle le félicite et approuve sa conduite. Bien loin de vouloir le détourner, elle l’engage au contraire à partir pour se rendre promptement auprès deleur fils. Après avoir lu la lettre de son amie, Milon s’apprête richement, il part et débarque dans la Normandie pour se rendre en Bretagne. Il visite les chevaliers, s’enquiert des lieux où il y avoit des tournois. Milon tenoit un grand état, et donnoit généreusement à tous les pauvres chevaliers. Pendant un hiver qu’il demeura dans l’Armorique, il retint plusieurs braves avec lui, et dès les fêtes de Pâques, l’époque où recommencent les joutes, les combats, il se mit à chercher par-tout l’occasion de faire sentir la force de son bras.

Un tournois fut annoncé au mont Saint-Michel; on y remarquoit un nombre considérable de Normands , de Bretons, de Flamands, de François, mais fort peu d’Anglois. Milon le bon chevalier qui s’y étoit rendu l’un des premiers, pria qu’on lui désignât le jeune héros qui remplissoit la terre du bruit de ses prouesses. Plusieurs lui fournirent des renseignements, lui indiquèrent les lieux qu’il avoit parcourus, les victoires qu’il avoit remportées, et lui firent remarquer la couleur de son écu et les armes qu’il portoit. Le tournois commence ; qui joute cherche, la trouve de suite; qui veut combattre dans les rangs, peut bientôt perdre ou gagner, et peut trouver un rival dangereux. Je vous dirai que Milon s’étant mis au nombre des combattants, fit dans cette journée maints exploits recommandables. Mais le jeune homme remporta le prix. Milon s’avança dans la mêlée, il vit son fils si bien se servir de ses armes, qu’il fut enchanté de son courage et de sa bonne contenance. Il se met vis-àvis de lui pour jouter ; à la première course la lance de Milon se brise en éclats, mais sans être seulement ébranlé, son fils lui fait vider les étriers.

Dans sa chute la visière du casque de Milon vint à s’ouvrir, et le jeune homme aperçoit que son adversaire avoit la barbe et les cheveux blanchis par les années ; attristé de ce qui venoit d’arriver, il saisit le coursier du guerrier abattu par les rênes, et dit à ce dernier : Seigneur, remontez à cheval, je ne saurois vous exprimer le chagrin que je ressens d’avoir jouté contre un chevalier de votre âge, veuillez être persuadé que mon dessein n’étoit pas de vous outrager. En reprenant son cheval, Milon flatté de la courtoisie de son adversaire, avoit reconnu l’anneau que portoit le jeune homme, et sitôt qu’il fut remonté, il lui parla en ces termes : Mon ami, pour l’amour de Dieu, fais-moi le plaisir de m’écouter, dis-moi le nom de tes parents, j’ai le plus grand intérêt à le savoir. Je t’avouerai que j’ai beaucoup voyagé, que je me suis trouvé à nombre de combats , de guerres, de tournois, et que jamais je n’ai quitté les étriers. Tu m’as abattu à la joute, et partant je dois particulièrement t’estimer (i). Mon père, répondit le jeune homme, est né, je crois, dans le pays de Galles, et il se nomme Milon. Il aima la fille d’un homme riche qui accoucha secrètement de moi. Dès ma naissance j’ai été envoyé dans la Northumbrie, où j’ai été élevé chez une vieille tante qui prit le plus grand soin de mon enfance.

Lorsque j’eus atteint l’âge, elle me donna des armes, un cheval, et m’envoya dans ce pays, où je suis depuis longtemps. J’ai le projet de passer la mer pour me rendre dans ma patrie, afin de savoir comment l’auteur de mes jours se comporte avec ma mère. Je lui montrerai son anneau d’or et je lui donnerai tant de renseignements qu’il ne pourra me méconnoître. Je suis au contraire persuadé qu’il m’aimera tendrement et qu’il m’estimera. Quand Milon eut entendu ce discours, il ne peut se contenir ; il descend aussitôt de cheval, et saisissant le pan du haubert du jeune guerrier : Ami, dit-il, Dieu soit loué, tues mon fils, c’est pour aller à ta recherche que je suis venu dans ces lieux, et que j’ai quitté mon pays. Le jeune homme se jette dans les bras de Milon, l’embrasse, et tous deux répandent les plus douces larmes. Les spectateurs de cette scène attendrissante les regardoient avec intérêt; ils pleuroient de joie et de tendresse. Le tournois achevé, les deux braves rentrent ensemble, car il tarde à Milon de parler à ce fils si digne de lui, et de connoître les desseins qu’il a formés. Ils rentrent à leur hôtel, et dès qu’ils sont désarmés, ils donnèrent une fête aux chevaliers. Milon raconta à son fils l’histoire de ses amours avec sa mère, le mariage qu’elle avoit été forcée de contracter, la durée de leurs feux ; les messages du cygne ne furent point oubliés.

On rapporta comment lorsque l’on ne pouvoit se fier à personne, cet oiseau portoit les lettres et leurs réponses. Mon père , dit le fils, je veux vous unir avec votre bien-aimée, je vais aller défier son mari, je le tuerai, puis vous épouserez sa veuve. Le lendemain les deux chevaliers prirent congé de leurs amis, et partirent pour se rendre dans la Galles. Ils traversèrent la mer par un bon vent, et ils venoient de débarquer pour se mettre en route lorsqu’ils furent joints par un jeune homme qui venoit de la part de la dame, et alloit se rendre en Bretagne pour remettre une lettre à Milon. Il a bien diminué sa peine puisqu’il a fait cette rencontre. En remettant la missive dont il étoit porteur, le jeune homme invite les deux voyageurs à faire diligence pour revenir promptement chez la dame, parce qu’elle venoit de perdre son époux. Milon, que cette nouvelle avoit mis au comble de la joie, la communique à son fils, et tous deux se hâtant, ils arrivent bientôt au château de la dame , qui fut enchantée des hautes qualités de son fils. Ils ne demandèrent conseil à personne, n’invitèrent aucuns parents, le fils réunit ensemble les auteurs de ses jours qui vécurent encore longtemps dans une félicité parfaite.

De l’histoire et du bonheur de ces époux, les anciens Bretons firent un Lai ; et moi, qui l’ai mis en vers, je trouve beaucoup de plaisir à le raconter.