Comme beaucoup dans le monde, il y avait une fois une veuve et son fils. Ce fils était si bon avec sa mère qu’ils s’aimaient l’un l’autre plus que tout ce qui peut être dit. Un jour ce fils dit à sa mère qu’il devait aller à Rome. La mère était en grande peine, mais le laissa partir. (À son départ) elle lui donna trois pommes en lui disant :
« Si tu fais connaissance (de quelqu’un) en chemin et si tu as soif, fais-lui couper une de ces pommes et celui qui te donnera la plus grande part sera pour toi un bon ami pour le voyage. »
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ToggleLa veuve et son fils
II partit donc. Après avoir parcouru un bout de chemin, il rencontra trois hommes. Ils firent connaissance et ils lui dirent qu’ils allaient à Rome. Ils continuèrent leur chemin, longtemps, longtemps et comme parler donne soif, le fils de la veuve leur dit :
« J’ai, dans ma poche, une pomme que ma mère m’a donnée en partant ; mangeons-là. Tenez, partagez-la. »
L’un d’eux la partagea et lui donna la plus petite part. Quand il vit cela, il inventa une excuse et prit congé de ses compagnons. Il continua à marcher longtemps, le long du chemin, quand il rencontra trois moines. Ils lui dirent qu’ils allaient à Rome et offraient de faire route ensemble. Quand ils eurent marché un moment, ils eurent soif eux aussi. Le fils de la veuve leur dit :
« J’ai une pomme que ma mère m’a donnée en partant. Tenez, partagez-la. »
Eux non plus ne furent pas meilleurs camarades que les autres. Ils lui donnèrent seulement une petite part. Heureusement il se rappela la recommandation de sa mère et les quitta. Il fit tout seul un bout de chemin et vit de loin quelque chose briller sous un chêne, et en s’approchant il vit que c’était un roi. Il lui demanda où il allait et apprit que lui aussi allait à Rome.
Le roi l’engagea à se reposer avec lui et il resta là un long moment et à la longue ils eurent soif et le fils de la veuve lui donna la dernière pomme, lui disant que c’est sa mère qui la lui avait donnée en partant. Le fils du roi la partagea et lui donna la plus grande part. Le fils de la veuve se réjouit d’avoir trouvé un bon camarade et ils se promirent une grande amitié sous le chêne. Le fils de la veuve promit d’emmener le fils du roi à Rome mort ou vivant et l’autre s’engagea lui-même à le servir et à l’aider aussi longtemps qu’une goutte de sang coulerait dans ses veines.
Us reprirent leur voyage et marchèrent longuement jusqu’à ce que la nuit les surprenne et ils ne savaient où aller. Ils rencontrèrent une jeune fille qui allait à la fontaine. Ils lui demandèrent si on leur donnerait l’abri dans la maison qu’ils voyaient au loin.
Elle répondit que oui et puis, en baissant la voix, elle ajouta : « Oui, pour votre malheur. »
Seul le fils de la veuve entendit ces derniers mots. Ils y allèrent donc et entrèrent et furent très bien reçus. Ils eurent droit à un bon dîner et un bon lit au troisième étage. L
e fils de la veuve laissa le prince au bord du lit et lui-même alla près du mur. Le fils du roi s’endormit aussitôt car il était très fatigué ; mais la peur maintenait éveillé le fils de la veuve, et, juste au moment où minuit sonnait, il entendit quelqu’un monter les escaliers et vit le maître de maison entrer dans la chambre à coucher avec un grand couteau à la main. La maîtresse tenait la lumière et la bonne une bassine. Ils s’approchèrent et coupèrent le cou au fils du roi et le descendirent en bas.
Dans cet intervalle le fils de la veuve sortit sur les toits et de là il cria et implora justice. Quand il se fut fait entendre, il dit aux gens ce qui s’était passé dans la maison. Comme ils n’avaient jamais auparavant entendu quoi que ce soit de semblable sur les gens de cette maison, on ne voulut pas le croire et on le mit en prison.
Le lendemain il fut condamné à mort.
Avant de mourir il demanda une faveur. On la lui accorda. Il demanda alors deux limiers pour aller fouiller la maison. On lui accorda cela et il alla avec les gens de justice. Après avoir inspecté tout le château, sans trouver une goutte de sang, ils descendirent à la cave. Les chiens continuaient à flairer, mais le maître refusait d’ouvrir la porte, en disant qu’il n’y avait là que des saletés. On lui dit qu’il devait l’ouvrir quand même et c’est là qu’on trouva le fils du roi avec sa couronne. Ils ne demandaient que cela.
On rendit sa liberté au fils de la veuve et il demanda le corps du fils du roi et le mit dans un sac. Il prit le sac sur ses épaules et partit pour Rome où il arriva épuisé ; mais il avait tenu sa parole.
Il alla voir le saint-père et lui raconta tout ce qui s’était passé et ce qui était arrivé à son ami.
Notre saint-père lui dit : « Demain, au moment de l’Élévation, vous mettrez la tête sur le corps. »
II fit ainsi et au même moment le corps du fils du roi fut saisi d’un frémissement et il s’écria :
« Où suis-je ? »
Le fils de la veuve lui répondit: «À Rome. Ne vous rappelez-vous pas comment vous avez eu le cou tranche hier ? Et moi je vous ai moi-même porté, comme je vous l’avais promis, à Rome. »
Le fils du roi alla faire la visite à notre saint-père et (ensuite) ils rentrèrent (à la maison). Et après avoir parcouru un long chemin, ils arrivèrent sous le chêne où ils avaient fait connaissance et c’était là, qu’ils devaient aussi se quitter.
Ils renouvelèrent leurs promesses (l’un envers l’autre). Le fils du roi enleva sa bague et la lui donna en souvenir de lui. Et le fils du roi, en comptant son argent, remarqua qu’il avait exactement la même somme qu’il avait quand il était sous le chêne la dernière fois. Et ils se quittèrent pour s’en retourner chacun chez soi.
Quand le fils de la veuve arriva chez lui, sa mère était dans la joie de revoir son fils et le fils aussi (de revoir sa mère). Mais le lendemain il fut atteint d’une affreuse maladie, qui ressemblait beaucoup à la lèpre et qui donnait une odeur infecte, mais, heureusement, sa mère ne le sentait pas. Cette pauvre mère faisait tout ce qu’elle pouvait pour guérir son fils, mais rien ne le soulageait.
Elle entendit qu’il y avait un moine dans le voisinage, un grand saint, qui guérissait les maladies. Elle le fit venir et le fils de la veuve raconta son voyage à Rome et tout ce qui s’était passé là-bas et il raconta aussi les promesses que le fils du roi et lui s’étaient faites.
Alors le moine lui dit : « Si vous voulez guérir, il n’y a qu’un remède : vous devez vous laver dans le sang de ce roi. »
Cette nouvelle attrista grandement le jeune homme, mais sa mère décida de partir le lendemain et ils voyagèrent à bord d’un vieux chariot. Tous ceux qu’ils croisaient se bouchaient le nez et faisaient : « Peuh ! peuh ! » Après un certain temps ils arrivèrent à la maison du roi. La mère demanda la permission de parler au roi, mais un domestique la renvoya, en raison de l’odeur, en lui disant de ne plus s’approcher.
Ainsi elle ne put rien dire au roi. Mais un jour le roi sortit et vit le chariot et demanda ce que c’était. On lui dit que c’était un homme malade, qui sentait comme du poisson pourri et qui souhaitait voir le roi. Le roi se fâcha qu’on ne lui ait pas fait la commission avant.
Ce roi s’était marié entre-temps et avait déjà un fils. Il demanda aux gens du chariot de venir chez lui et le fils de la veuve lui dit qui il était et lui montra la bague qu’il lui avait donné autrefois. Sans prêter la moindre attention à sa maladie, le roi le prit dans ses bras et l’embrassa. Le fils de la veuve lui raconta la peine qu’il avait ressentie à l’annonce du moine.
Le roi alla trouver sa femme et lui raconta ce qui était arrivé à l’homme malade à la porte et que ce malade lui avait déjà sauvé la vie dans le passé et que maintenant c’était son tour et qu’il ne pourrait être guéri qu’en se lavant dans son sang et (il lui ordonna) de choisir entre son enfant et lui. La pauvre mère sacrifia son fils. On le tua. L’homme malade se lava immédiatement (dans le sang) et fut guéri au même instant.
La reine, en peine, entra dans la chambre de son enfant et là elle trouva son fils plein de vie. Folle de joie, elle prit son fils et alla en criant à tout le monde en montrant son enfant. Jugez quel bonheur pour eux tous ! La veuve et son fils vécurent heureux au palais du roi et ne se quittèrent plus jamais.