Non loin de la Saône, dans la pays des Aulerques-Brannovie, dans un bois consacré à Bélénos, un soir, le Barde Cervorix, assis sur un rocher solitaire (car il était entouré d’eau), instruisait ses disciples qui, tête nue, écoutaient ses paroles.
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ToggleLe Barde Cervorix
Cervorix pinçait les cordes d’une lyre d’ivoire enrichie de lames d’or. Cette lère epta corde était un présent des Druidesses de l’île de Sena.
Tout était calme autour du Barde : l’eau, la terre, la forêt, ainsi que la voûte éclatante du ciel parsemée d’étoiles. Les disciples écoutaient les accents du poète, qui leur détaillait les merveilles du firmament, en leur faisant admirer la marche régulière et continue des astres, qui roulent dans l’espace infini.
Tout à coup l’horizon s’obscurcit, des nuages épais étendent leurs voiles sur lui, un vent impétueux se met à souffler et à secouer les arbres, tandis que voltigent, autour de la tête du Barde des oiseaux de nuit. Un orage sinistre semble s’avancer, car les chiens hurlent sur la montagne. Alors Cervorix s’écrie avec dédain : « L’homme en tant que matière n’est que lourdes vapeurs et fétides exhalaisons.
Son enveloppe corporelle comprime les élans de son âme et retient ses meilleurs instincts, ceux, par exemple, qui lui commandent de quitter la terre pour une demeure plus fortunée. Qu’est-ce que la vie ? Rient ! Ce n’est pas le moment passé, celui qui va passer, mais le bon emploi du temps, qui est chose importante ! Enfants de la Celtique, vivez en paix, songez à l’éternité et dites à tous que vous avez vu et connu le Barde Cervorix. »
Ayant ainsi parlé, il brisa sa lyre et des hauts du rocher sur lequel il se trouvait, il se précipita dans les flots. C’est pour perpétuer sa mémoire, que les Druides nomment cette chute d’eau le Saut de Cervorix devenu le Saut de la Cervèze par corruption du célèbre Barde.
Le lendemain de ce triste jour un immense bûcher orné de fleurs et couvert d’aromates fut dressé près d’un dolmen et à l’heure de minuit, au moment où les sept étoiles de la Grande Ourse se reflétaient sur la surface de l’eau que contenaient sept troux de la table de l’autel Druidique, deux ministres d’Esus levant les mains au ciel, mirent le feu au bûcher, après avoir adressé au Dieu une sincère prière.
Les Druides, la Druidesse, une jeune vierge et un Barde firent le tour du bûcher ; l’un des Druides jeta une coupe d’ambre, l’autre une lyre d’ivoire, la Druidesse son voile, la jeune fille une mèche de ses blonds cheveux, enfin le Barde, sa saie blanche comme le lys de la vallée.
« Pleurez cette mort, dirent au peuple les Druides, on l’a accordée à votre amour ; mais chantez à jamais le trait de courage et de dévouement du Barde Cervorix ! »
Après la cérémonie de l’incinération, les cendres du Barde furent mises dans une urne en verre de couleur, sur laquelle avait été emaillée cette inscription :
« Mortel ! Apprends d’où tu viens, où tu vas, regarde cette poussière. Elle fut ce que tu es, tu seras ce qu’elle est. »
Telle est l’origine du monde de la chute d’eau de la vallée de la Grosne.