La Courtise de Luaine et la mort d’Athirne

Voici l’histoire de la Courtise de Luaine et la mort d’Athirne, de la branche rouge de la mythologie irlandaise.

la Courtise de Luaine et la mort d'Athirne

La Courtise de Luaine et la mort d’Athirne

1. Après avoir provoqué la mort de Derdriu, Conchobar mac Nessa était en deuil et la tristesse et grand abattement s’emparèrent de lui, et aucune musique, aucun éclat de lumière, aucune beauté, aucune joie sur terre n’apaisait son esprit, mais il était encore et toujours triste et morne. Les grands d’Ulster vinrent lui dire de chercher dans les provinces d’Irlande, si par hasard il pourrait y trouver la fille d’un roi ou au seigneur, qui ferait s’éteindre son chagrin pour Derdriu. Il donna son accord à cela.

2. Ses deux messagères lui furent amenées, à savoir Leborcham, fille de Ae et Adarc, et Leborcham Rannach, fille de Uangamain. Hideuse et horrible en fait était l’apparence de ces messagères ***

3. Alors, les deux messagères cherchèrent en Erin, tant dans les forts que dans les grandes villes, et elles n’y trouvèrent aucune femme célibataire qui pourrait guérir la douleur de Conchobar. Alors Leborcham, fille de Ae et Adarc, arriva par hasard chez Domanchenn fils de Dega dans la province d’Ulster elle-même, et là, elle vit une jeune fille adorable, aux cheveux bouclés, pure de couleur, qui surpassait les femmes de la terre en son temps, à savoir, Luaine fille de Domanchenn. Leborcham demanda de qui elle était fille. On lui répondit «La fille de Domanchenn fils de de Dega». Leborcham dit que c’était Conchobar qui l’ avait envoyée chercher Luaine pour lui, car elle était la seule fille en Irlande qui avait la même allure que Derdriu, tant par la silhouette et les sentiments que par l’adresse. «C’est bien», dit son père, et c’est ainsi qu’il donna son accord en contrepartie d’un prix convenable pour la fiancée.

4. La messagère revint à l’endroit où attendait Conchobar, et lui rapporta l’existence de la jeune fille, c’est alors qu’elle dit: «Là, j’ai vu une jeune fille

douce-belle, mûre pour le mariage, aux cheveux dorés, etc.

5. Si bien que l’amour pour la jeune fille envahit son cerveau (?) Et il ne pouvait pas supporter de ne pas aller lui-même et de la voir clairement. Alors, quand il vit la jeune fille, il n’y avait pas un os en lui de la taille d’un pouce qui n’ait été rempli d’un amour infini pour la jeune fille. Elle fut ensuite fiancée à lui, et le prix pour la fiancée correspondant à la jeune fille lui fut imposé, et il retourna à nouveau à Emain.

6. À ce moment vint Manannan fils d’Athgno, roi de Mann et des îles des Etrangers, avec une vaste flotte, pour piller et ravager l’Ulster et se venger sur elle pour (la mort) des fils d’Usnech; car ce Manannan avait été un de leurs amis , et c’est lui qui élevait les enfants de Nôisé et de Derdriu, à savoir, Gaiar le fils et Aib-Gréne la fille.

7. Il y avait quatre Manannáns, et il ne vivaient pas à la même époque.

Manannan fils d’Allot, un excellent druide des Tuatha Dé Danann, et il vivait au temps des Tuatha Dé Danann. Orbsen, en fait, (était) son vrai nom. C’est ce Manannan qui habitait Arran, et de lui Emain Ablach fut nommée, et c’est lui qui fut tué à la bataille de Cuillenn par Uillenn aux Sourcils Rouges, fils de Caither, fils de Nuada Airgetlam, qui lui contestait la royauté de Connaught. Et quand sa tombe fut creusée, c’est là que le Loch n-Oirbsen jaillit de sous la terre, de sorte que de lui, du premier Manannan, Loch n-Oirbsen est désigné.

8. Manannan fils de Cerp, roi des Iles et de Mann. Il viait à l’époque de Conaire fils de Etirscél, et c’est lui qui courtisa Tuag, fille de Conall Collamair, fils nourricier de Conaire, et d’elle Tuag Inber prend son nom.

9. Manannan «fils de la mer», à savoir, un célèbre marchand qui commerçaient entre Erin et Alba et l’île de Mann. Il était également druide, et c’est lui était le meilleur pilote qui fréquentait l’Irlande. C’est lui aussi qui trouvait, par la science céleste (i.e.) en examinant l’air, le temps qu’il ferait : beau temps ou tempête, et de aen Manannán nominabatur, et ideo Scoti et Britones eum deum maris uocauerunt, et inde filium maris esse dixerunt ma ut deum, et ideo adorabatur a gentibus ut deum, quia transforma(u)it se in multis formis per gentilitatem.

10. Manannan fils d’Athgno était le quatrième Manannan. C’est lui qui vint avec une grande flotte venger les fils d’Usnech, et c’est lui qui les avait pris en charge dans Alba. Seize ans furent les fils d’Usnech en Alba, et ils firent la conquète d’Alba de Slamannan jusqu’au nord d’Alba, et c’est eux qui expulsèrent de ce territoire les trois fils de Gnathal fils de Morgann, nommément Iatach et Triatach et Mani Rude-main, car leur père régnait sur cette terre, et ce sont les fils d’Usnech qui le tuèrent. Ainsi, le trio vint en exil chez Conchobar, et ce sont eux qui tuèrent les trois fils d’Usnech en tant que représentants de Eogan fils de Durthacht.

11. Alors Manannan arriva pour un grand pillage d’Ulster. Les Ulates se réunirent pour livrer bataille à Manannan. Ils dirent que l’épreuve de force de Conchobar contre les fils de Nôisé n’était pas bonne. La paix fut conclue entre eux (les Ulates) et Manannan et Bobarán le poète, le père nourricier de Gaiar fils de Nôisé, fut envoyé pour conclure la paix avec la réponse. Alors Bobarán dit:

Gaiar fils du célèbre Nôisé, fils-nourricier du grand et pur Manannan,
ainsi il est venu ici, pour piller le pays, etc

12. Et la paix et l’amitié furent ensuite conclues entre (Conchobar et) Manannan, et l’eric (prix du sang) pour son père fut donné à Gaiar par la volonté des seigneurs d’Ulster, et les deux autres, Annli et Ardan, furent placés auprès de Conchobar. Un territoire de Liathmaine fut donné en terre à Gaiar, à savoir, la terre de Dubthach Langue-de-Vipère, car il était (alors) en guerre contre l’Ulster avec Fergus. Ainsi ils se séparèrent en paix, et dès lors ils furent amis.

13. Des agissements de Luaine, toutefois, il est question maintenant.

14. Lorsque Athirne l’importun et ses deux fils, Cuindgedach et Apartach, entendirent parler de la relation de la jeune fille avec Conchobar, ils allèrent la solliciter, pour mendier des faveurs de sa part. Alors, quand ils virent la jeune fille, tous trois lui donnèrent leur amour, et le désir pour elle les remplit de façon qu’ils préféraient ne pas être en vie à moins de coucher avec elle. Ils vinrent tour à tour supplier la jeune fille, et ils déclarèrent qu’ils cesseraient de vivre, et que pour chacun d’entre eux ils feraient sur elle un glám dicinn, sauf si elle avait commerce avec eux.

15. La jeune fille dit: «Ce n’est pas bien pour vous de dire cela, alors que je dois être l’épouse avec Conchobar».
«Nous ne pouvons pas rester en vie,» dirent-ils, «à moins que nous allions avec toi».
La jeune fille refusa de coucher avec eux. Alors ils firent trois satires sur elle, qui laissèrent trois taches sur ses joues, à savoir, Honte et Déshonneur et Imperfection, noire, rouge et blanche.
Par la suite, la jeune fille mourut de honte et de gêne.

16. Alors Athirne s’enfuit avec ses fils à Benn Athirni au-dessus de la Boyne, car il craignait que, pour l’acte qu’il avait commis, la vengeance lui serait infligée par Conchobar et les hommes d’Ulster.

17. Maintenant en ce qui concerne Conchobar, il lui semblait long de dormir sans femme. Alors, avec les grands d’Ulster, à savoir, Conall Cernach et Cuchulainn et Celtchair et Blai Brugaid, et Eogan fils de Durthacht, et Cathbad et Sencha, il vint au fort Domanchenn fils de Dega – des Tuatha Dé était sa parenté, et là était sa terre. Ainsi, ils trouvèrent la jeune fille morte, et les gens du fort la pleurant. Un grand silence tomba sur Conchobar concernant cette question, et la douleur en lui, fut seconde (seulement) après sa douleur pour Derdriu.

18. Conchobar dit, «quelle vengeance serait juste concernant cela? » Les grands d’Ulster répondirent que la punition méritée pour cela ce serait de tuer Athirne avec ses fils et sa famille; « et très souvent, » dirent-ils, « l’Ulster a trouvé reproche et bataille à cause de lui».

19. Ensuite vint la mère de la jeune femme, c’est-à-dire Bé-guba, qui gémissait tristement et douloureusement en présence de Conchobar et les grands d’Ulster. «O roi,» dit-elle, «ce n’est pas la mort d’une seule personne qui résultera de cet acte-là, car pour son père et moi mourrons de chagrin pour elle. Cette mort-là nous apportera ce qui était destiné et annoncé selon la prophétie du druide, quand il disait

De nombreuses femmes en deuil à la destruction des hommes par les mots d’Athirne, etc.

20. Ensuite, Cathbad dit: «Les bêtes de proie» dit-il, «seront envoyées contre vous par Athirne, à savoir, la Satire et la Disgrace et la Honte, la Malédiction et le Feu et la Parole amère. C’est lui qui a les six fils de Déshonneur, à savoir, l’Avarice et le Refus et le Déni, la Dureté et la Rigueur et la Rapacité. Ceux-ci seront lancés contre vous », dit-il, « de sorte qu’ils seront en guerre contre vous ».

21. Puis Domanchenn aussi vint, soulevant et blâmant les Ulates.

22. «Une question», dit Conchobar: «Comment voulez-vous agir, ô Ulates ?» C’est Cuchulainn qui donna le conseil de détruire Athirne le rigoureux. C’est Conall le combatif, le juste, qui l’étudia. C’est Celtchair le tranchant qui le conspira. C’est Munremar le renommé qui le planifia. C’est Cumscraid le gardien (?) qui le décida. Ce sont les jeunes gens à double tranchant d’Ulster, héroïques, hautains, sévères, qui prirent cette décision, d’aller détruire la demeure de Athirne.

23. Ensuite,[Domanchenn à la mère de Luaine] dit:

Il est triste en effet, O Bé-Guba, triste est le sort qui t’a assassinée: C’est une grande douleur qu’on a, de te voir sur la tombe de Luaine, etc

24. Une lamentation puissante fut ensuite faite sur la jeune fille, et son chant de mort et ses jeux funéraires furent réalisés, et sa pierre tombale fut dressée. Tristes et pleins de chagrin étaient en effet son père et sa mère, et il était triste d’être en présence de la plainte qu’ils faisaient.

25. Ensuite, Conchobar dit:

Sur la plaine est la tombe de Luaine, fille de Domanchenn le rouge : jamais ne vint en la dorée Banba une femme plus difficile à supplier.

Celtchair:

Nous diras-tu comment étaient, O champion, O Conchobar, la compagnie de Luaine et Derdriu, qui avait la plus belle conversation?

Conchobar:

Je vais te dire comment c’était, ô Celtchar fils d’Uthechar: Meilleure était Luaine, qui ne prononça jamais de mensonge, il n’y avait pas de rivalité entre elles. Triste est toute prophétie qui l’enlève, qu’à cause d’elle elle doive aller à la mort, que pour cela son tumulus, il faille creuser, que sa tombe soit considérable. Bé-Guba et le fils de Dega, et Luaine – c’est la mort qui me coupera la parole – le même jour ils sont allés pour le périple, si bien qu’ils ont une seule tombe. Athirne aux quatre enfants, mauvais est pour lui l’acte qu’il a accompli: ils périront tous, l’homme, les fils, les femmes, dans la vengeance à cause de cette tombe.

26. Conchobar ensuite pleura grandement la jeune fille et après cela il se mit à soulever les Ulates contre Athirne.

Alors les hUlates suivirent Athirne à Benn Athirni, et l’emmurèrent avec ses fils et toute sa maisonnée, et tuèrent Mór et Midseng ses deux filles, et brûlèrent sa forteresse sur lui.

27. L’accomplissement de cet acte sembla mauvais aux poètes d’Ulster, c’est pourquoi Amorgen dit alors:

Grande tristesse, grande pitié, la destruction de Athirne le très célèbre, etc

La tombe d’Athirne ici, qu’elle ne soit pas creusée par vous, O poètes, etc

Malheur (à celui) qui travaille à la destruction de l’homme, malheur à celui qui a provoqué son meurtre!
Il avait un javelot dur – durable son éclat – que Cridenbél le satiriste avait l’habitude de faire.

Il avait une lance qui aurait tué un roi, etc

Je vais faire de son chant de mort ici, et je ferai sa lamentation,
et je vais élever sa tombe ici, et construire son beau tumulus.

Athairni Fert. Finit.