Les Amazones

Certains historiens, comme Hérodote, considéraient les Amazones comme des barbares. Barbares au sens grec du terme, c’est-à-dire étrangères aux lois et aux règles du monde hellénique. Barbares, elles l’étaient aussi par leur férocité supposée et leur pulsion meurtrière. Hérodote utilisait d’ailleurs pour les qualifier le terme scythe « Oiorpata », signifiant « tueuses d’hommes ».

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On leur prête même la particularité d’avoir aveuglé ou estropié leurs enfants mâles pour en faire leurs serviteurs. Les Amazones étaient regardées comme des femmes viriles.

D’un côté, elles étaient femmes par leur sexe anatomique ; d’un autre côté, elles étaient un peu hommes par leurs mœurs et leurs fonctions. Cette dualité se retrouvait dans leur apparence physique car, contrairement aux femmes, elles avaient un sein en moins. D’où leur nom d’« amazôn » qui signifie en grec « sans sein ». D’après Strabon, elles avaient en effet « toutes le sein droit brûlé dès l’enfance pour pouvoir se servir librement du bras droit à n’importe quel usage, en premier lieu pour lancer le javelot ». Les Amazones étaient en effet, croyait-on, des guerrières et des conquérantes.

Les Amazones font la guerre aux hommes

Les Amazones faisaient la guerre aux hommes, montées sur leurs chevaux, portant javelots, arcs et carquois. Les versions diffèrent concernant leur mode de vie et leur rapport à l’homme. D’après Strabon, les Amazones passaient entre elles la plus grande partie du temps et n’avaient de relations sexuelles avec les hommes qu’une fois par an pour procréer. Une fois engrossées, elles les répudiaient.

Selon Diodore de Sicile, elles les épousaient pour en faire leurs esclaves domestiques et sexuels : « pendant que les hommes […] passaient leur vie dans les maisons, soumis aux ordres de leur compagnes […] elles continuaient à exercer les magistratures et à administrer toutes les affaires publiques ».

L’Amazone Omphale, en épousant Héraklès, ne l’avait-elle pas contraint, lui le héros des douze travaux, à lui remettre la peau du lion de Némée et sa massue, ainsi qu’à filer la laine à ses pieds ? Mais d’après le mythe, elles furent vaincues par deux demi-dieux, Héraklès et Bellérophon. Ce personnage de l’Amazone a exercé une fascination longtemps après l’Antiquité. Durant l’époque moderne, il y est très souvent fait référence dans les textes littéraires et les traités historiques.

Plusieurs historiens et explorateurs du Nouveau Monde, notamment Pierre Petit, Claude-Marie Guyon et Charles-Marie de La Condamine, ont consacré dans leurs traités ou leurs relations de voyages de très belles pages aux Amazones anciennes et à leurs descendantes – les Amazones modernes –, rencontrées au cours des explorations sur les terres d’Afrique et d’Amérique. Ces femmes légendaires ont aussi focalisé des fantasmes aussi repoussants qu’effrayants par certains aspects de leur féminité ressentis comme menaçants.

Le mythe de l’Amazone

Entre la Renaissance et les Lumières, le mythe de l’Amazone fut souvent convoqué en littérature et en poésie pour qualifier négativement les femmes russes, françaises et anglaises qui exerçaient, sinon prétendaient exercer des fonctions intellectuelles, politiques et militaires, autrement dit des fonctions considérées comme naturellement masculines.

Bon nombre de souveraines et de frondeuses, de savantes et de lettrées se trouvent, dans les textes de l’époque, comparées à des Amazones. Cette comparaison se rencontre par exemple dans la littérature élisabéthaine pour qualifier la reine d’Angleterre Élisabeth Tudor (1533-1603). Différents textes la comparent à Penthésilée et Radigund.

Cette association métaphorique se rencontre aussi à l’égard de l’impératrice de Russie, Catherine II, et de sa dame d’honneur, l’éminente princesse Ekaterina Romanovna Dachkova (1743-1810), connue essentiellement pour son rôle politique lors du coup d’État du 28 juin 1762, et son rôle intellectuel de directrice de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg et de présidente de l’Académie impériale russe. Catherine la petite (Ekaterina) et Catherine la Grande (Catherine II) ont été entourées de la même mythologie. L’imagerie littéraire qui en fut établie entre en résonance. L’une et l’autre sont comparées à deux Amazones.

Amazones et femmes subversives

Ces comparaisons sont chargées de connotations soit positives, soit négatives. Lorsqu’elles le sont négativement, comme sous la plume de Charles Philibert Masson en 1800, dans ses Mémoires secrets sur la Russie, c’est pour faire de ces deux éminentes femmes des puissances subversives capables de renverser les rapports de hiérarchie entre les sexes et de saper les fondements de la société patriarcale pour dérober à l’homme son pouvoir. Cette imagerie se retrouve aussi, depuis le règne de Louis XIV jusqu’au Directoire, dans les fictions, les poésies et les nombreux textes engagés dans la querelle de la femme et le plus souvent hostiles à l’émancipation féminine.

Histoires des Amazones

 

Léon Davent, La Bataille des Amazones, 1547