La Courtise de Treblainne

Voici l’histoire de la Courtise de Treblainne, de la branche rouge de la mythologie irlandaise.

la Courtise de Treblainne

La Courtise de Treblainne

Fraech, fils de Fidach Foltruad (cheveux rouges) du Sid Fidaig et Loch Fidaig et Dun Coistinne, le noble jeune homme des Domnannaig était si beau et si courageux, que les Fili faisaient partout son éloge, et que sur la base de ces rapports de nombreuses princesses étaient tombées en amour pour lui. Ses prétendantes étaient si nombreuses qu’il lui était difficile de choisir et il resta douze ans dans sa maison sans se marier. Ajouté à cela que Boann avait averti Be-Binn, sa mère, que son fils ne devait épouser aucune femme, sinon il allait mourir dans la même année. En outre, il devait prendre soin de ne pas se battre avec Cuchulainn, ni nager dans une eau noire entre Samain et Beltaine, ni donner ses armes en gage.

Mais tomba aussi amoureuse de lui Treblann, fille de Fraech, fils d’Aengus du Sid de Broga, la fille adoptive du roi de Temair, Coirpre Nia-Fer-mac Rosa. Car les nobles des Fils de Mil (les Gaels) avaient coutume de prendre en charge pour les éduquer les enfants princes elfes voisins, de sorte que ces derniers ne nuisent pas au blé, au lait ou à la prospérité.

Quand le roi apprit la passion de Treblann, il la fit venir à lui dans la « maison des chuchotements » et il suggèra que, à défaut de Fraech, ils pourraient obtenir un autre mari. Alors elle retourna à son Grianan (à l’origine « chambre haute ») et versa des larmes amères. Puis elle fit venir à elle son messager Laigech Lamfota (Long bras) et l’envoya à Cruachan pour annoncer à Fraech que Coirpre ne lui accordait pas ce dernier et que cependant elle était disposée à partir avec lui. Laigech rencontra d’abord les gens de Cruachan au jeu de ballon; ils voulurent tout d’abord, parce qu’il apparaissait dans un vêtement insignifiant, vêtu d’un manteau gris, d’une tunique sombre et une baguette à la main, lancer leurs balles sur lui. Mais puisqu’il demandait après Fraech et voulait être reconnu comme un messager, il fut conduit à Cruachan. Quand il rapporta à Fraech ce qui s’était passé, celui-ci fit savoir à Coirpre, que en échange de la jeune femme, il se mettrait à sa dispostion avec des armées égales sur le champ de bataille et que de plus il viendrait avec 400 chars à Temair; mais il fit dire à Treblann de se tenir prête.

Le messager, à son retour, alla au Grianan de Treblann et lui dit tout, il lui dépeignit également – dans un poème – la beauté de Fraech. Avec le consentement de sa maîtresse, il rapporta à Coirpre la proposition de Fraech. Fraech raconta ensuite à Medb, Ailill et Fergus l’offense de Coirpre et ils l’appelèrent à la vengeance. Ses camarades promirent de l’accompagner; c’était Laigsech Lennmar (grand manteau), le fils de Conall Cernach, Aengus mac Aenlaime Gaibe, Connra mac Tinne, Dorchu mac Tinne, Monga Milech et une troupe de jeunes gens des Gamanraids. Ils emportèrent des baguettes de messager (flesca), afin dit Glenn Flesca, « de les envoyer en avant à la rencontre de la jeune femme » et s’en allèrent, bien équipés et bien baignés, d’abord jusqu’à Liathdruim, où Cet les accueillit cette nuit-là, puis vers Mag na n-Dumach, au lieu appelé Mag Caille, où ils trouvèrent approvisionnement auprès d’Amairgin, et la même nuit plus loin jusqu’à Ath Cathail Druim-fri-Fid et de là envoyèrent des messagers à Treblann avec l’instruction de venir le lendemain à Tulach na Carpat (colline du char). Les messagers rencontrèrent Treblann dans son Grianan, et celle-ci «reconnut la baguette» et écouta leur récit – en vers. Le lendemain matin, elle se prépara avec l’excellence d’une fée, et partit pour Tulach na Carpat. De même, Fraech s’était bien équipé et avait fait briller ses armes, afin que la jeune femme le remarque de loin à son éclat. Les messagers qui l’accompagnaient comparaient Fraech aux plus remarquables héros: Cuchulainn, Conall et Fiamain. Alors ils se rencontrèrent et se saluèrent mutuellement.

Lorsque Coirpre Nia-Fer apprit que Treblann s’était enfuie avec Fraech, il rassembla une armée et, plein de colère, voulut se venger sur Fraech. Mais son fils Erc fit remarquer qu’alors leur union serait accomplie, et partit avec seulement 400 jeunes hommes sur des chars à l’encontre de Fraech dans l’espoir d’être capable de reprendre la jeune femme. La bataille dura tout le jour. Comme il était vaincu, Erc envoya des messagers à Temair pour quérir de l’aide. Mais Laigsech (Loigsech) Cennmor fit remarquer qu’alors les accords de lutte loyale seraient rompus. Sur ses conseils Fraech et ses camarades rentrèrent chez eux avec la jeune femme, et la troupe qui s’approchait ne trouva plus que ses morts.

A Cruachan, Fraech rapporta sa victoire à Medb et Fergus, prit congé et retourna avec Treblann dans son propre territoire. Là il apprit par sa mère que, entre temps, ses vaches et ses trois fils avaient franchi les montagnes des Alpes. Malgré les conseils de sa mère, qui lui promettait de nouvelles vaches, il expliqua qu’il s’était engagé auprès d’Ailill et de Medb à fournir son bétail pour la Tain Bo Cuailnge. Il confia Treblann ainsi que sa Cloch comsoegail (pierre vivante ou pierre d’égale durée de vie, voir ci-dessous) à Donn, le fils de Eochaid Ollathair, et se mit en chemin pour rapporter son bétail.

Quand Coirpre Nia-Fer apprit cela, il chargea Midir de Bri Leith, de provoquer la ruine de Fraech. Triath mac Faebuir, un des jeunes hommes de la troupe de Midir, se rendit avec Midir et trente chars sur l’île où résidait Donn, et se présenta comme un prétendant de Treblann. « C’est prétendre à la femme d’un vivant », dit Donn. Mais Midir affirma que Conall (Cernach) et Fraech avaient été tués par les Lombards au cours de leur voyage pour les Alpes. « On peut vérifier cela », répondit Treblann; dans ce cas la Cloch comsoegail de Fraech serait rompue. La boîte dans laquelle elle était conservée, fut apportée. Mais Midir prononça une parole sur sa lance, en frappa la boîte et la pierre sembla brisée. En larmes, Treblann quitta la maison, se rendit à Ferta na h-Ingine (tumulus de la jeune femme) et elle y mourut de chagrin à cause de la mort de son mari.

Fraech avait traversé de nombreuses terres, retrouvé son bétail et ses fils, et était arrivé avec Conall Cernach à Dun Sobairche (sur la côte nord de l’Irlande). Ensuite, ils y étaient restés un mois et une semaine, il passa à Cuailnge et rencontra Laigech, le messager de Treblann. Celui-ci raconta sous une forme poétique, les événements arrivés au cours de ses neuf mois et une semaine d’absence; il apprit de lui que sa femme était morte par la faute de Midir. Alors il envoya son butin à Cruachan, tandis qu’il se rendait, avec neuf hommes, devant Bri Leith, et il déclara à Nechtan, que Midir lui avait envoyé, qu’il voulait trois choses: voir le sang de Midir sur ses armes, une indemnité pour sa femme et la promesse qu’elle lui serait rendue. Nechtan devait d’abord s’assurer que Midir viendrait le lendemain pour se battre en duel. En Bri Leith, il ne se trouvait personne qui veuille affronter Fraech; jusqu’à ce que la promesse de grandes richesses incite Airmger mac Acarnamat à s’y rendre; par des sortilèges il prit la forme et l’apparence de Midir. Mais Boann avait appris la nouvelle, elle apporta à Fraech un bricht neime (littéralement « sort poison »); dans lequel ses armes devaient être baignées, et un vêtement protecteur. Le lendemain Fraech et Airmger combattirent longtemps jusqu’à ce que finalement ce dernier tombe. Alors Midir renvoya Nechtan vers Fraech, cette fois-ci avec l’indemnité pour sa femme: cinquante chevaux de même couleur, [cinquante] chars de la valeur d’un cumal, cinquante boucliers blancs, cinquante habits verts avec des bracelets en argent, cinquante épées avec des poignées d’or, cinquante excellentes lances. De même, Treblann, accompagnée par huit jeunes femmes de même apparence, devait lui être rendue. Alors ils se séparèrent en paix.

C’est cette Treblann qui porta Fraech, quand il eut trouvé la mort par Cuchulainn, jusque dans le Sid.