Comme beaucoup dans le monde, il y avait une mère et son fils. Ce garçon était aussi fort que quatorze hommes réunis, mais il devait également manger comme quatorze. Ils étaient pauvres et à cause de cela il ne mangeait pas toujours à sa faim. Il dit un jour à sa mère qu’il valait mieux pour lui d’essayer d’aller quelque part, pour voir s’il pouvait s’en tirer mieux, qu’il ne pouvait supporter plus longtemps cette situation et que de voir combien cela coûtait à sa mère de le nourrir le peinait.
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Sa mère consentit, avec de la peine, à le laisser partir. Il s’en alla donc loin, loin, très loin et arriva devant une grande maison. Il demanda s’il leur fallait un domestique et on lui répondit qu’on allait demander au maître. Le maître vint en personne et lui dit: «J’ai pour habitude d’employer des ouvriers expérimentés, mais je veux bien vous prendre néanmoins. »
Le garçon répondit : « Je dois vous avertir que je mange comme quatorze hommes, mais je travaille en proportion. »
II lui demanda : « Que savez-vous faire ? »
II lui dit : « Je sais faire un peu de tout. »
Le lendemain le maître l’emmena dans un champ et lui dit:
« Vous devez faucher tout ce pré. » II lui dit que oui.
Le maître s’en alla. À huit heures la bonne arriva avec le petit déjeuner. Elle avait un panier rempli de provisions ; il y avait six pains, un demi-jambon et six bouteilles de vin. Notre garçon était enchanté. La servante fut étonnée de voir que tout le pré était fauché et elle s’en alla le dire au maître. Il était tout aussi heureux de voir qu’il avait un domestique aussi précieux. Il lui demanda d’aller faucher un autre pré.
Avant midi tout était à terre. La bonne arriva avec le déjeuner et fut ébahie de voir tout l’ouvrage qu’il avait effectué. Elle lui avait apporté sept pains, sept bouteilles de vin et encore plus de jambon, mais il engloutit tout. Le maître lui donna encore un autre champ d’herbe à faucher. Il s’acquitta facilement de sa tâche avant la nuit. Notre maître était très satisfait de lui et lui donnait bien à manger. La bonne aussi était très contente.
Aussi longtemps qu’il y eut de l’ouvrage, le maître ne dit rien, mais ensuite, quand il vit que toute la moisson avait seulement servi à nourrir le domestique, il ne savait plus comment se débarrasser de lui. Il l’envoya dans une forêt dans laquelle il savait qu’il y avait de terribles animaux et lui dit d’en rapporter du bois. Dès qu’il arriva là-bas, un ours l’attaqua. Il le prit par les narines, le jeta à terre et lui tordit le cou. Il se mit à arracher tous les jeunes arbres et de nouveau il fut attaqué par un loup, il le prit comme l’ours, par les narines, le jeta à terre et lui tordit le cou.
Il arriva dans la soirée à la maison et le maître fut tout étonné de le voir revenir. Il lui donna un bon dîner, mais il n’était pas content, parce qu’il avait arraché tous les jeunes arbres. La nuit le maître retourna dans sa tête ce qu’il pourrait bien faire de son domestique et il décida de l’envoyer dans une forêt plus terrible encore, dans l’espoir que quelque animal le dévorerait.
Notre jeune homme s’en alla encore au loin. Il arrachait beaucoup de grands arbres, quand un lion l’attaqua. Il le tua d’un coup. Puis un autre animal vint à lui tout aussi dangereux et il l’acheva aussi rapidement. Dans la soirée, quand il arriva à la maison, il se dit en lui-même :
«Pourquoi mon maître m’envoie-t-il dans la forêt? Peut-être est-il fatigué de moi. »
Et il résolut de lui dire qu’il partirait de la maison. Quand il arriva son maître le reçut bien, mais ne comprit pas comment il avait pu revenir vivant. Il lui offrit un bon dîner et notre garçon lui dit :
« II vaut mieux que je m’en aille. Il n’y a plus d’ouvrage pour moi ici. »
Vous pouvez imaginer comme le maître était content. Il lui donna aussitôt ses gages et le garçon s’en alla. Il partit loin, loin, très loin, mais bientôt son argent s’épuisa et il se demanda ce qu’il allait devenir.
Il vit deux hommes qui étaient au bord d’une rivière. Il alla jusqu’à eux et les hommes lui demandèrent s’il voulait bien les faire traverser de l’autre côté. Il répondit que oui, et les prit tous les deux sur son dos, ces hommes étaient Notre Seigneur et saint Pierre. Quand ils furent au milieu de la rivière, Notre Seigneur lui dit :
« Je dois être lourd.
-Je vous jette dans l’eau si vous ne vous taisez pas, j’ai déjà bien assez à faire. »
Quand ils arrivèrent de l’autre côté, le Seigneur lui dit :
«Que dois-je te donner pour récompense?
– Ce que vous voudrez, seulement donnez-la vite, car je meurs de faim. »
II lui donna un sac et lui dit : «Tout ce que tu voudras entrera dans ce sac. »
Et il partit au loin. Il arriva dans une ville et en passant devant une boulangerie il respira une délicieuse odeur de pain chaud et il leur dit : « Entrez dans mon sac ! » et ils se trouvèrent dans son sac. Il alla dans un coin de la forêt et là il vécut de ce que lui avait donné son sac. Il retourna en ville et passa devant une charcuterie. Il y avait là des boudins, des saucisses, des jambons et plein de bonnes choses.
Il dit : « Entrez dans mon sac ! » et dès qu’il eut dit cela, le sac se trouva plein. Il alla de nouveau le vider comme il avait fait avec les pains et il retourna en ville. Devant une auberge il dit : « Entrez dans mon sac. » II y avait là des bouteilles de bon vin et des liqueurs et à toutes ces bonnes choses il dit : « Entrez dans mon sac ! » et son sac en fut rempli.
Il alla dans un coin de la forêt, il avait là des provisions pour quelques jours, et, quand il se fut bien rassasié, il sortit se promener. Un jour il vit des jeunes filles en train de pleurer et il leur demanda: «Qu’avez-vous?» Elles répondirent que leur père était très malade. Il demanda s’il pouvait le voir. Elles lui dirent que oui.
Il alla alors là-bas et le pauvre homme lui dit qu’il avait donné son âme au diable et qu’il l’attendait ce jour-là et qu’il en tremblait d’avance. Notre Quatorze demanda s’il pouvait se mettre au coin du lit, pour voir le diable. Il lui dit que oui. Il se cacha alors avec son sac. Un moment après le diable arriva et notre jeune homme lui dit :
« Entrez dans mon sac ! »
Et sitôt qu’il eut dit cela, le diable entra dedans. Jugez la joie de notre homme ! Notre garçon sortit chercher quelques casseurs de pierre et leur dit :
«Frappez fort ! c’est le diable qui est dans ce sac. »
Ils s’attelèrent à la tâche et le rouèrent de coups et le diable s’écria :
« Aïe aïe aïe ! laissez-moi sortir ! laissez-moi sortir ! aïe aïe aïe ! »
Le garçon dit : « J’accepte si vous m’apportez un papier signé par tous les diables de l’enfer, comme quoi vous n’avez aucun droit sur cet homme. » Le diable accepta et le garçon le laissa partir. Un instant après le diable était de retour avec le papier. Le garçon le fit rentrer à nouveau dans le sac et battre par les casseurs de pierre, tandis qu’il portait le précieux papier au vieil homme. Pensez comme ils furent contents dans cette maison !
Notre homme s’en alla au loin. Il marcha longtemps, très longtemps. Il se sentit fatigué de ce monde. Il se dit : «J’aimerais bien aller au ciel.» Il continua son chemin, longtemps, très longtemps, mais il arriva en enfer ; mais dès que les diables virent qu’il s’agissait de Quatorze ils fermèrent toutes les portes. Il s’en alla encore, loin, très loin et parvint au ciel.
Là les portes se fermèrent devant lui. Que fit Quatorze ? Il fit passer son sac par le trou de la serrure et se dit à lui-même :
« Entre dans le sac ! »
Sitôt qu’il eut dit cela il se trouva à l’intérieur du sac et il s’y trouve encore, derrière la porte et quand vous irez au ciel, regardez bien et vous le verrez là.