Le trésor de Valbonne

Si jamais laboureur jouit de la douce tranquillité des champs ce fut bien le brave Galdric, dont la masure se trouvait dans le voisinage de l’abbaye de Valbonne. Chaque jour il allait féconder les terres de son maître, n’ayant d’autre souci que celui de tracer des sillons.

Le trésor de Valbonne

Le trésor de Valbonne

Or, un jour Galdric prenait son repas à l’ombre d’un gros chêne lorsque passa une vieille femme qui s’appuyait en marchant sur un bâton de noisetier.

— Eh ! Santa Dona ! cria le laboureur.

Et la bonne vieille s’étant arrêtée échangea avec son interlocuteur quelques paroles insignifiantes, Puis elle le quitta en lui disant :

Seras riquissim, tu, fill méu, Si baixa la mara de Deu, (Tu seras très riche, toi, mon enfant, quand la Vierge descendra).

— Donchs, may ne seré, (Je ne le serai donc jamais).

— Ne seras si vols, (Tu le seras si tu veux).

Et la vieille disparut, tandis que Galdric éclatait de rire.

Resté seul et livré à ses propres pensées, le laboureur, naturellement crédule, se dit qu’il n’était pas impossible après tout que la prédiction se réalisât : riquissim ! Ce doux mot résonnait bien a son oreille ; il hanta son esprit et lui fit oublier ses chansons. Le soir venu, il fit ses confidences à sa femme qui, radieuse, lui conseilla d’aller se jeter aux pieds de la Vierge de Valbonne.

Et le laboureur alla réciter des prières, dans la chapelle, devant la statue de la Vierge, ne s’interrompant que pour prononcer cette formule :

— Baixi, mare de Peu, baixi. (Descendez, ô mêre de Dieu, descendez). Mais la Vierge était impassible sur son piédestal.

Galdric se retirait alors, tout en conservant un espoir sans bornes : Le moment du miracle n’est pas encore arrivé, pensait-il ; attendons. »

Un beau jour pourtant, voyant que ses prières ne produisaient aucun effet, il alla au-devant des événements, prit la statue dans ses bras, et la déposa plus loin. Il eut la maladresse de renverser le socle et, se baissant pour en ramasser les débris, aperçut sur le sol une dalle usée qui semblait boucher un orifice. Il eut vite fait de desceller la pierre et de passer la main dans l’ouverture béante : ses doigts touchèrent une peau rugueuse d’un assez gros volume et il retira doucement le paquet.

Quelle ne fut pas sa stupéfaction, en dépliant la peau de découvrir un monceau de pièces d’or qui tintaient gaiement ! II y plongea avidement les mains et, pendant une heure, resta comme hypnotisé devant le trésor. Il était donc riquissim, et c’est ainsi que se réalisait la prédiction de la bonne vieille probablement envoyée par le ciel.

Lorsqu’il eut rapidement bourré ses poches et rempli ses goussets, Il se leva pour rejoindre sa femme et lui annoncer l’heureuse nouvelle. Mais la peau de veau qu’il emportait semblait glisser comme une couleuvre de ses mains ; plus il la serrait dans ses doigts et plus elle s’agitait; il voulut le jeter loin de lui, mais il ne put lâcher prise. Et comme mue par une force irrésistible, la peau traversa l’espace, traînant de force le laboureur à travers champs.

Galdric marcha longtemps ainsi vers l’horizon sans bornes, sans pouvoir abandonner la peine et sans pouvoir s’arrêter. Après plusieurs journées de marche, il arriva jusqu’à l’enfer où sa cupidité fut punie.