Histoire de Nédé fils d’Adnae

Voici l’histoire de Nédé fils d’Adnae, de la branche rouge de la mythologie irlandaise.

Nédé fils d'Adnae

Nédé fils d’Adnae

Nédé avait un oncle, frère de son père : c’était Caier, roi de Connaught. Caier, n’ayant point d’enfant, considérait Nédé comme son fils ; mais il avait une femme ; celle-ci devint amoureuse de Nédé et lui donna, comme gage de sa passion, une pomme d’argent. Nédé, cependant refusait de se rendre à ses désirs. Elle lui promit de lui faire obtenir le royaume de Connaught, s’il s’engageait à l’épouser ensuite.

« Comment pourriez-vous me faire monter sur le trône? » dit Nédé fils d’Adnae. « Cela n’est pas difficile, » répondit la jeune femme. « Fais une satire contre Caier, en sorte qu’il lui survienne une difformité qui le rende incapable de conserver la royauté. « Il est bien dur, » répondit Nédé, « de composer une satire contre un si excellent homme : jamais je ne recevrai de lui un refus. Il n’a en sa possession rien au monde qu’il ne soit disposé à me donner. » « Je sais bien , » reprit la femme , « une chose qu’il ne te donnera pas : c’est le poignard qu’il a rapporté de Grande-Bretagne. Il ne te le donnera pas, car il y a pour lui défense de s’en séparer. »

Nédé demanda à Caier de lui donner le poignard. « C’est un malheur pour moi, » dit Caier , « je n’ai pas le droit de m’en séparer. » Nédé prononça contre lui une satire qui fit apparaître sur les joues du malheureux roi trois énormes boutons. Voici la satire :

« Male mort, courte vie à Caier;
que les lances de la bataille blessent Caier;
trépas à Caier; que Caier soit sous terre ;
que Caier soit sous des murs, sous des pierres. »

Le lendemain matin Caier se leva, se rendit à la source pour se laver. Il porta la main à son visage ; il y sentit les trois boutons que la satire avait produits; il les aperçut en se mirant dans l’eau. Le premier était rouge, le second vert, le troisième blanc. On les appela tache , flétrissure et honte. Pour ne laisser voir son malheur à personne , il prit la fuite et alla se réfugier à Dun-Cermnai, chez Cacher, fils d’Etarscel.

Nédé fils d’Adnae devint roi de Connaught; il le fut pendant un an. En pensant au malheur de Caier, il éprouvait une vive douleur. Un jour, voulant le voir, il partit pour Dun-Cermnai. Il était monté sur le char de Caier; il avait à côté de lui la femme et le chien de Caier. Combien était beau Nédé, conduisant, lui-même le char et s’approchant de Dun-Cermnai! La dignité royale était peinte sur ses traits.

« Qui donc est cet homme si beau? » s’écriait chacun. Caier dit : « Autrefois c’était nous qui sur ce char, occupions le siège du guerrier à côté du siège du cocher. » « C’est une parole de roi, » s’écria Cacher, fils d’Etarscel. Jusque-là on n’avait pas reconnu Caier. « Non je ne suis pas roi, » dit Caier; et il s’enfuit. Il alla se cacher derrière le fort.

Pendant ce temps, Nédé, sur le chariot, entrait dans Dun-Cermnai. Les chiens suivirent la piste de Caier, et le trouvèrent dans l’asile où il s’était réfugié; Caier y mourut de honte et de l’émotion que lui avait causée la vue de Nédé. Au même moment le rocher éclata, un fragment atteignit à la tète Nédé, qui en mourut et subit ainsi, comme il le méritait, le châtiment de son ingratitude.