Voici l’histoire sur les Exploits d’enfance de Cuchulainn (Conchobar), de la branche rouge de la mythologie irlandaise.
Contenus
ToggleLes Exploits d’enfance de Cuchulainn
« Conchobar avait perdu l’allégeance de plusieurs chefs ulstériens après qu’il eut assassiné les fils d’Usna. Ces hommes étaient partis vers Connaught, à l’ouest de l’Irlande. L’un d’eux, Fergus, raconta l’enfance de Cùchulain à ses hôtes Ailill et Medb, roi et reine de Connaught :
« Cùchulain fut élevé à Mag Muirthemni dans le sud de l’Ulster. Un jour Sualtam et Dechtire parlèrent à leur fils des fameux garçons d’Emuin Machae, que Conchobar regardait jouer quand il n’était pas en train de s’adonner à des jeux de société ou de boire avant d’aller se coucher. Cùchulain demanda à Dechtire s’il pouvait aller voir ces garçons.
– Il te faut attendre qu’un guerrier d’Ulster puisse t’accompagner, répondit-elle.
– Je veux y aller maintenant, insista Cùchulain. Quel chemin dois-je prendre?
– Va vers le nord, répondit sa mère, mais fais bien attention car la route est pleine de dangers.
– J’y vais, dit Cùchulain et il partit avec ses armes miniatures, une petite lance et un petit bouclier ; il prit aussi son bâton et sa balle de hurley, espérant pouvoir jouer une partie avec les garçons d’Emuin Machae.»
Arrivé à Emuin, il s’engagea sur le terrain de jeu sans demander au préalable la protection des autres joueurs. Les garçons furent mécontents de ce manque de courtoisie, car nous connaissons tous les règles de conduite sur un terrain de jeu. Ils lui dirent de sortir du terrain et lancèrent leurs trois fois cinquante lances vers lui (car ils étaient au nombre de cent cinquante) : chaque lance se planta dans le petit bouclier de Cùchulain. Ils lancèrent avec violence trois fois cinquante balles vers lui et il les bloqua toutes contre sa poitrine. Ils lancèrent leurs trois fois cinquante bâtons de hurley vers lui, mais il les rattrapa tous.
Cùchulain était furieux : ses cheveux se dressèrent sur sa tête et se hérissèrent de rage. Il plissa un oeil de la taille du chas d’une aiguille et ouvrit l’autre de la taille d’un bol. Il grimaça tant que l’on put voir le fond de sa gorge et ses dents briller d’une oreille à l’autre. La lune du jeune guerrier s’éleva au-dessus de sa tête.
J’étais en train de jouer aux échecs avec Conchobar quand entrèrent en courant neuf garçons poursuivis par Cùchulain. Il en avait déjà frappé et cloué au sol cinquante. « Ce n’est plus du sport », s’écria Conchobar.
– Ce sont eux les mauvais joueurs, répondit Cùchulain, car j’ai voulu me joindre à leur partie et ils ont essayé de me chasser de leur terrain de jeu.
– Quel est ton nom? Demanda Conchobar
– Je suis Setanta, le fils de Sualtam et de votre soeur Dechtire.
– Pourquoi n’as-tu pas demandé la protection des autres joueurs ? demanda Conchobar.
– On ne m’a pas enseigné les règles répliqua Cùchulain.
– Alors acceptes-tu la protection de ton oncle? proposa Conchobar.
– Je l’accepte, répondit Cùchulain, mais je vous demande une chose, que je sois chargé de la protection des trois fois cinquante garçons. Conchobar accepta. Ils se rendirent tous sur le terrain de jeu et les garçons que Cùchulain avait envoyés au sol se levèrent à la vue de leur nouveau héros ».
Conall, un autre chef ulstérien, poursuivit l’histoire:
« Nous connaissions le garçon quand nous habitions en Ulster, et ce fut une joie de le voir grandir. Peu après l’épisode du terrain de jeu raconté par Fergus, Cùchulain fut entrainé dans des aventures plus héroïques.
Culann le forgeron invita Conchobar à une fête. Peu de monde accompagnait le roi d’Ulster, car le forgeron n’avait pour unique richesse que celle acquise par ses mains et ses outils. Aussi, seuls cinquante vieux champions favoris accompagnèrent Conchobar. Avant de quitter Emuin, le roi se rendit au terrain de jeu pour faire ses adieux aux garçons ; Cùchulain jouait seul contre les trois fois cinquante garçons et il était en train de gagner. Quand ils essayèrent d’envoyer leurs balles dans le but, Cùchulafn le défendit seul et arrêta chaque balle. Puis, au combat, il les envoya tous au sol, alors qu’aucun des trois fois cinquante garçons ne put le faire tomber. Dans le jeu de dévêtir, il ôta les vêtements de tout le monde sans même perdre sa broche.
Conchobar fut émerveillé par les exploits de son neveu et demanda à ses hommes si Cùchulain allait devenir un homme qui exécuterait des actes héroïques similaires : ils affirmèrent tous qu’il en serait ainsi. « Viens avec nous à la fête de Culann, dit alors Conchobar.
– Je vais finir ma partie, répondit Cùchulain, et je vous rejoindrai.
À la fête, Culann le forgeron demanda à son hôte royal si tout le monde était arrivé. « Oui, répondit Conchobar, oubliant son neveu, et nous sommes prêts à manger et à boire.»
« Bien, alors, dit le forgeron, fermons les portes et réjouissons-nous ; mon chien gardera les bêtes dans les champs personne ne lui échappera, car il faut trois chaines pour le tenir, et trois hommes à chaque chaîne ».
Pendant ce temps, le garçon était en route pour la fête, et pour s’amuser il lançait sa balle en l’air et son hurley après elle, et il lançait sa lance et courait la rattraper avant qu’elle ne touche le sol. Quand il entra dans la cour de Culann le forgeron, le chien se précipita sur lui. Conchobar et ses hommes entendirent le bruit de la lutte, ils regardèrent par les fenêtres et virent Cùchulain combattant le chien à mains nues. Il le saisit à la gorge et le fracassa contre un pilier. On fit entrer Cùchulain dans la maison. « Je me réjouis pour votre mère que vous soyez vivant, dit Culann. Mais ce chien protégeait tous mes biens, et maintenant je suis perdu.
– Ne craignez rien, déclara Cùchulain, je vais dresser un jeune chien de même race et jusqu’à ce qu’il soit assez grand pour garder votre propriété. Jusque là, je serai moi-même votre chien de garde.
– Eh bien, à partir d’aujourd’hui nous vous appellerons Cùchulain, le Chien de Culann, dit Conall.
Tels furent les exploits d’un garçon de six ans, conclut Fergus. Quels actes glorieux pouvons-nous attendre de lui maintenant qu’il en a dix-sept ? » »
C’est ainsi que Setanta reçut le nom qui serait le sien, Cùchulain. Symboliquement, cette légende signifiait que Cùchulain était apte à garder le royaume d’Irlande et à protéger son peuple. Par suite, le druide Cathbad prophétisa que les dieux lui donnaient à choisir entre une longue vie et une grande renommée. Cùchulain choisit la renommée, mais se trouva lié à une obligation permanente (geis) : il ne devait jamais passer devant un foyer sans en goûter la nourriture et ne jamais manger de viande de chien. Il lui fut prédit que son dernier acte important serait, comme le premier, de tuer un chien.