La cilice

Voici l’histoire de la cilice. Comme beaucoup dans le monde, il y avait une fois un monsieur et une dame. Ils n’avaient pas d’en­fants, et ils en désiraient un par-dessus tout. Ils firent le vœu d’aller à Rome. Dès qu’ils l’eurent fait la femme se trouva enceinte.

la cilice

La cilice

Le mari lui dit: «Nous ferions bien d’y aller tout de suite. »
La femme dit : « Nous n’avons pas assez de temps main­tenant, nous pouvons tout aussi bien y aller après. »

La dame accoucha d’un garçon. Le garçon grandit et il trouvait que son père était toujours triste et il le trouvait souvent en train de pleurer. Le petit garçon avait mainte­nant sept ans et la mère ne s’était jamais décidée à aller à Rome. Un jour ce jeune garçon entra dans la chambre de son père et le trouva encore en train de pleurer. Alors, il lui dit :
« Qu’avez-vous donc, père ? »

Mais il ne voulut pas lui répondre ; alors l’enfant prit un pistolet et dit à son père :
« Si vous ne voulez pas me dire ce que vous avez, je vous tirerai d’abord dessus et sur moi après. »

Le père lui dit alors qu’il le lui dirait, (et il lui raconta) comment sa mère et lui avaient fait le vœu d’aller à Rome s’ils avaient un enfant et qu’ils n’y étaient jamais allés.
L’enfant lui dit : « C’est pour moi que ce vœu a été fait et c’est moi qui l’accomplirai. »
II fit ses adieux et partit.

Il passa sept années sur la route et mendiait son pain. Enfin il arriva chez le saint-père et lui raconta ce qui l’amenait là. Notre saint-père le mit dans une chambre, tout seul, pendant une heure.

Quand il sortit, il lui dit : « Oh, vous avez dû vous tromper, vous m’avez fait rester là au moins deux heures. »

Notre saint-père lui dit que non, qu’il n’était resté là que pendant une heure. Et il le mit dans une autre chambre pendant deux heures.

Quand il sortit de là il dit : « Vous m’avez fait rester plus de deux heures. »
II lui dit que non et le mit dans une autre chambre pour trois heures.

Quand il en sortit, il dit : « Vous ne m’avez laissé là que trois minutes. »
Et il lui dit : « Oui, oui, oui, vous y êtes resté trois heures. »

Et notre saint-père lui dit que la première chambre était l’enfer, que la seconde était le purgatoire et que la dernière était le ciel.

L’enfant lui dit: «Où suis-je? Je suis au paradis! Et mon père ?
-Au paradis également.
-Et ma mère?
– En enfer. »

Le garçon était très peiné et lui dit: «Ne puis-je pas sauver ma mère ? Je suis prêt à verser mon sang pour elle sept années durant. »

Notre saint-père lui dit qu’il le pouvait et il lui mit dessus une cilice fermée avec un cadenas et jeta la clef à l’eau.

Et notre saint-père lui dit : « Quand vous trouverez cette clef, votre mère sera sauvée. »

II partit, mendiant comme auparavant et mit sept autres années avant d’arriver dans son pays. Il allait de maison en maison demandant l’aumône. Son père le rencontra et lui demanda d’où il venait. Il dit « de Rome ». Il lui demanda s’il n’avait pas vu sur son chemin un garçon de son âge. Il lui dit que oui et qu’il avait continué sa marche pendant sept années, versant son sang pour sauver sa mère. Et il continua à lui parler de son fils.

Sa mère se mit à l’escalier et dit à son mari de renvoyer ce pauvre, qu’il devait s’en aller de là. Mais il ne prêta aucune attention à elle. Il le fit entrer et dit à sa femme qu’il allait dîner avec eux. La femme n’était pas contente. Le mari envoya la bonne au marché, en lui disant d’acheter le plus beau poisson qu’elle trouverait. Quand la jeune fille revint, elle alla à la basse-cour nettoyer le poisson. Le jeune homme la suivit et comme elle nettoyait le poisson elle trouva une clef à l’in­térieur.

Le jeune homme lui dit : « Cette clef est à moi. »
Et elle la lui donna.

La dame ne souffrait pas ce jeune homme. Elle le poussa et il tomba dans le puits. Aussitôt, l’eau du puits se mit à déborder et le jeune homme en sortit tout mouillé. Le mari ne s’était pas aperçu que sa femme l’avait poussé dans le puits et le jeune homme lui dit qu’il était tombé dedans tout seul. Ce pauvre monsieur voulut lui donner quelques vêtements, mais il ne les accepta pas, disant qu’il se sécherait auprès du feu. A table la dame ne lui fit pas bonne grâce. Le jeune homme lui demanda si elle recon­naîtrait son fils.
Elle dit : « Oui, oui, il a une marque au milieu de la poitrine. »

Et le jeune homme défit ses vêtements et montra sa marque. En même temps il donna la clef à sa mère afin qu’elle puisse ouvrir la cilice et la mère ne vit rien que du sang et encore du sang. Il avait souffert pour elle. Les trois moururent. Et la bonne vit trois colombes blanches s’en­voler. Je désire faire comme eux de la même manière.