Le Sébastianisme

Un mythe bien ancré dans la culture portugaise est celui du Cinquième Empire, le Sébastianisme, selon lequel le “Portugal aurait, pour des raisons presque mystiques, une mission particulière à remplir en termes de civilisation…Il est vrai que, au fond de l’âme portugaise, l’idée existe que nous serions comme un pont jeté entre l’Atlantique et la Méditerranée. Ne sommes-nous pas le sud du Nord et le nord du Sud?”

Sébastianisme

Sébastianisme

Cette citation de Durão Barroso, président de la Commission européenne et ex-premier ministre Portugais, résume à merveille le mythe du Cinquième Empire.

C’est Gonçalo Yannes Bandarra, coordonnier et poète lusophone de la Renaissance, qui est l’auteur de ces prophéties. Il est également à l’origine du “sébastianisme”, le mythe du grand retour de Sébastien, le roi portugais disparu, qui reviendrait par un jour brumeux sur un majestueux cheval blanc délivrer son peuple du joug de l’impotence qui afflige les portugais depuis des siècles.

Bandarra prédit la réalisation de sa prophétie suite à la disparition des quatre monarchies des Chaldéens (la Babylonie), des Perses, des Grecs et des Romains. Pour lui, cet empire est celui de l’unification de la Chrétienté par un messie, portugais.

Le Père Antônio Vieira, au XVIIième siècle, dans un contexte historique d’occupation espagnole, imprégné de Foi et de ferveur religieuse, voire de fanatisme, va même jusqu’à proposer l’alliance ibérique au Roi Jean IV, alors en pleine guerre avec l’Espagne.

Il voyait dans cette alliance la promesse de l’accomplissement de sa conception du Cinquième Empire : le Portugal prospère et resplendissant d’autrefois. Son amour pour sa patrie et ses désirs de grandeur pour elle le condamnèrent à l’isolement. Il nous a légué l’idée du rêve impossible à réaliser, la fatalité portugaise.

Fernando Pessoa poursuivit la construction du mythe du Cinquième Empire. Dans son recueil, Le Message, ce chef-d’œuvre de la littérature portugaise du XXième siècle, il reprend le thème de la destinée portugaise sur un ton nostalgique et mélancolique, rempli de la tristesse du passé, de la Saudade.

Afin de libérer la grande âme portugaise de son chimérique passé, il propose une conception plus universaliste des prophéties de Vieira en exprimant son désir de voir s’épanouir un empire de culture et de spiritualité, notamment à travers la langue portugaise, la base de la patrie et des relations sociales, de la tradition accumulée.

Il fait l’éloge d’un empire plus universaliste que celui de Vieira, dépourvu de structures politiques et religieuses, empreint d’individualisme, une sorte d’état d’âme. Pessoa affirmait que lui-même n’existait pas. De même, l’empire qu’il décrit prend racine dans l’âme portugaise et il se déploie dans le reste de l’univers, lequel devient alors le décor de l’émancipation de la culture de la Saudade.